Journée de temples sur un itinéraire resserré sur la carte, mais je me méfie grandement des cartes japonaises et de leur échelle enthousiaste. J'arriverai à réaliser mes prévisions et à tourner un bon moment dans la soirée, en ayant fait un peu plus de vingt kilomètres à pied dans la journée. Élément à ne pas négliger quand on prépare son programme !
Je pars donc vers l'est et tombe rapidement sur un gentil temple dédié à Inari, la déesse du commerce et des affaires, toujours chouchoutée.
Son animal messager, le renard, est facile à identifier.
C'est tout ce que j'ai trouvé en matière de plaque d'égout.
Je longe un canal verdoyant ; à un mètre et quelque de moi, un héron ne fait même pas mine de s'enfuir.
Une salle de théâtre.
Un torii très élevé (portique à l'entrée d'un sanctuaire) dans la zone du parc d'expositions.
Le Nanzen-ji
Et voici mon premier grand temple du jour !En 1264, l'empereur Kameyama fit construire une villa d'agrément. Devenu moine, il l'offrit à l'école zen en 1291 qui l'éleva au titre d'un de ses cinq temples majeurs. Détruits à plusieurs reprises, les édifices actuels datent de la fin du XVIe siècle.
La massive porte d'entrée, San-mon, suit les codes de ce type d'ouvrage. C'est finalement un élément assez facile à identifier.
On grimpe en suivant une allée plaisante pour atteindre le premier bâtiment, reconnaissable à la teinte ocre, assez rare, de ses murs. Les découpes de la charpente supérieure ne sont pas plus courantes.
En partant sur la droite, on découvre un petit aqueduc de briques.
Derrière, il faut payer 300 yens pour voir un modeste monastère avec un jardin miniature. Honnêtement, on peut s'en dispenser, la maison abbatiale a bien plus à offrir.
Je reviens vers l'allée centrale et la montée se poursuit vers la maison abbatiale, le Hojo. J'achète mon billet à 500 yens.
Pour entrer dans la salle de thé, il faut s'acquitter d'un supplément. Je me contente d'une vue depuis le couloir.
Antiques ouvrages monastiques, sur des lames de bambou qu'on pouvait rouler.
Calligraphie sur un pare-soleil. Bien deux mètres de large.
Salle moderne pour hôtes actuels.
Le principal élément de renommée du Nanzen-Ji est la diversité de ses jardins. On commence avec un jardin vert et le suivant est un alterné (c'est souvent mon modèle préféré), vert / sec.
Les salles sont évidemment décorées de peintures. Le rouge, même utilisé avec parcimonie comme ici, reste une couleur rare dans ces fusuma.
Une guide attentionnée vient vers moi et me livre quantité d'informations. Elle me montre que ce linteau, sculpté par un artiste de Nikko, présente d'un côté des fleurs et de l'autre un lion.
Le jardin sec est nommé Toranokowatashi, le tigre bondissant, dont la forme serait évoquée par les rochers. C'est toujours la même histoire dans ces jardins, il faut observer les volumes pour comprendre la symbolique. Ici, il faut une bonne dose d'imagination.
Cela dit, je le répète, même sans se livrer à une véritable méditation, cela fait un bien fou de rester assis devant ce type de jardin. Testé et approuvé !
Je trouve celui-ci, vert/sec, avec le principe carré-cercle-triangle, vraiment réussi.
Un autre jardin vert, avec la touche éclatante d'un lagerstroemia. Ce sont les arbres en fleurs les plus courants à Kyoto actuellement, semble-t-il.
J'ai toujours eu un faible pour ces passages en zigzag !
J'apprends que, comme chez nous (Le Nôtre par exemple), les paysagistes pouvaient être des stars. Ceux-là ont été dessinés par une vedette de l'époque, Kobori Enshu, un peu avant 1600.
Je continue mon périple tantôt en traversant le bois, tantôt en suivant la route principale, en découvrant de temps en temps des temples imprévus.
Eikan-do
Mon deuxième grand temple est un des très connus de la ville. Ses jardins plantés d'érables (les momiji) prennent à l'automne des couleurs rouges spectaculaires et particulièrement prisées. Il est peu probable que je voyage un jour au Japon à la saison des momiji (pas plus que pour Hanami, la période des sakura, les cerisiers en fleurs), mais je vais avoir l'exquise surprise de bénéficier de quelques avant-coureurs. La luminosité très vive ne m'est guère favorable, d'où plusieurs photos un peu brûlées. Je les ai insérées malgré tout : cela donne, me semble-t-il, une bonne idée.
C'est déjà un plaisir de gravir le sentier qui mène à la porte où, évidemment, il faut acquérir un billet. 600 ¥ cette fois, un peu plus que la moyenne.
En outre, il est formellement interdit de prendre la moindre photo à l'intérieur d'un bâtiment. Je n'ai pas de peinture à montrer (dommage, car elles sont vraiment d'un style différent) ni une superbe statue de Bouddha.
Mais c'est réellement une très agréable visite, à recommander chaleureusement.
Voici un exemple de sable ratissé en volume. Un élément-clé du jardin zen, qui, je le répète, doit s'avérer support de méditation.
C'est un couloir extérieur et, pour une fois, le panonceau "No photo" a été remisé. Profitons-en !
Cette sculpture-là montre clairement un damier. Cela me fait subitement penser aux "greens" dans les collèges d'Oxford, à chaque fois tondus différemment, où on trouve aussi des damiers.
Bon. Forget it. Cela n'a aucun rapport !
L'escalier du dragon tire son nom de sa forme incurvée. Là encore, il faut avoir l'inspiration.
Première fois que je vois ces décorations dans un temple de Kyoto. Ca me rappelle, cette fois, les monastères tibétains. Là, il se pourrait bien qu'il y ait un rapport !
J'ai déniché sur internet cette photo de la sculpture principale de cette pagode, un Bouddha dans la rare position avec le regard par-dessus l'épaule, nommée Amida-Makeri.
La statue est vraiment réussie, avec un abandon dans le regard et une fluidité du tissu telle qu'il semble glisser à terre !
Je ne regrette pas du tout mes 600 yens, j'ai eu droit à quelques momiji en cadeau et j'ai des couleurs plein les yeux en ressortant. Un temple à placer dans un itinéraire, facile à combiner avec le précédent.
Passage éclair au temple voisin.
On ne saurait dire qu'il fait frais mais il ne fait plus que 35°C à l'ombre, et je sens visiblement la différence. Photo avec le dépliant qui montre le temple au moment des momiji.
Voici une autre image qui semble tout aussi invraisemblable. J'ai le sentiment qu'on a repeint les arbres pour un parc d'attraction ! Je comprends que ce soit la cohue en octobre-novembre.
Alors que je m'attendais à me passer de déjeuner, un miracle se produit. Je n'ai pas vu de restaurant depuis fort longtemps et un apparaît juste devant moi.
Pas beaucoup de choix mais le menu me fait l'affaire. Bol de riz, soupe miso, tsukemono (légumes saumurés) figurent quasiment à tous les repas, et le chou râpé n'est pas mal placé dans la course ! Il ne reste de choix que pour le plat principal, ici poulet ou agneau. Je me rabats sur le poulet, qui arrive évidemment frit (karaage). C'est l'année friture ! L'an dernier je ne trouvais que des ramen, ce sont des cycles !
Avec une boule de glace à la vanille (beaucoup plus rare), j'en ai pour 980 ¥.
Je bifurque vers une rue aux airs de village de montagne pour gagner la Promenade des Philosophes.
Ce nom bien accrocheur désigne un délicieux chemin le long d'un petit canal, très prisé des touristes.
Ca ressemble à ça, une villa dans le quartier. Les automobilistes s'arrangent au maximum pour ménager une place de stationnement car le parking gratuit n'existe pas dans les villes du Japon. On ne peut se garer dans la rue, c'est pour cela qu'il existe autant de micro-parkings privés (parfois deux places seulement). Tarif de jour, tarif de nuit, et ce n'est pas donné. Souvent 10-15 € l'heure diurne et 2 € la nocturne.
Kawase Hasui, une découverte
Je repère un panneau Art Gallery. C'est un magasin qui vend des estampes ! J'y farfouille un bon moment. Je suis particulièrement ravi de découvrir un certain Kawase Hasui, visiblement célèbre, dont les oeuvres auraient inspiré des mangas. Le trait évoque un peu la bande dessinée. C'est un artiste très sensible à l'atmosphère, au changement des saisons... Son traitement de la luminosité est impressionnant. Voici quelques exemples.Reprise de la promenade.
Petit passage à l'Anraku-ji, seulement visible depuis le portail.
Le Honen-in
Ce n'est pas le plus visité mais le Lonely parle d'un sanctuaire dans la forêt. Il n'en faut pas plus pour me décider. En plus, bonne surprise, il est gratuit.
L'accès rappelle les escaliers dans la forêt de Nikko.
Rien d'extraordinaire dans ce sanctuaire fondé en 1670 à la mémoire du moine Honen. Mais la promenade rafraîchissante, le calme, les arbres élevés... c'est un plaisir.
Ces sculptures éphémères en forme de monticule demeurent une nouveauté pour moi. L'an dernier, je n'avais rien aperçu de semblable. Et ce volume, un parallélépipède approximatif, semble la norme. Je pense préférer la solution plus plane cependant, où le regard est davantage amené à balayer le jardin. Ici le regard butte sur une structure davantage artistique, humaine.
Curieux paradoxe, pensè-je tout à coup. Je suis en train de considérer le jardin, pure création de l'homme, où on collabore avec la nature, certes, mais en la domptant, comme le dresseur avec ses tigres, comme un élément naturel. Pourtant le gravier méticuleusement ratissé en bandes parallèles, strictement égales, ne saurait être davantage le fruit du hasard naturel.
Au bout du compte, l'art du jardinier ne serait-il pas de ne pas rendre sa patte trop visible ? de se faire oublier ?
Je ne suis pas du tout certain que cette réflexion vaille pour toute création artistique. En peinture, il est souvent intéressant de voir la matière, les coups de pinceau, etc. Mais dans un jardin de temple, la problématique change.
Bon. A creuser tout ça.
La peinture est étonnante. Beaucoup de mouvement, des couleurs vives (et du rouge, à nouveau, dominant !), une composition dynamique, on est loin des canons habituels. C'est tout ce que je peux dire, je n'ai trouvé aucune information dessus.
Autre rareté : la cloche avec un battant en fonte, comme les nôtres. La cousine asiatique a généralement un marteau de bois accroché à côté.
Sans corde pour actionner le battant, elle ne doit pas servir quotidiennement !
Enfin, un quart d'heure de marche plus tard, j'arrive au dernier temple de mon programme avant sa fermeture, hourra !
Le Ginkaku-ji
Je retrouve une vraie foule avec celui-ci, une des célébrités de la ville. Finalement mon impression sera la même qu'avec l'autre célébrité, le Kinkaku-ji (le Pavillon d'or, visité l'an dernier) : on serait frustré de ne pas y aller, on est un peu déçu d'y être allé.
Si le pavillon d'or est vraiment couvert d'or, celui-ci, le pavillon d'argent, DEVAIT en être recouvert. Ambitieux projet, jamais réalisé. Je ne sais même pas, lors de la visite assez brève (et on est mû par la foule en action), quel pavillon devait être gratifié de cet embellissement.
Quoi qu'il en soit, personne ne visite ce temple pour constater l'absence d'une réalisation, mais pour admirer un des deux plus fameux jardins secs de la ville, avec le Ryoan-ji.
Comme à l'accoutumée, il s'agit d'une ancienne villa, construite pour un shogun qui voulait un peu de calme. "Elle fut transformée en temple après sa mort". Je n'en sais pas davantage !
Le style du ratissage a changé. Plus épais, plus vigoureux.
Un cône sur un cercle de sable = une montagne sur un lac. L'image symbole du temple zen tout cas. C'est ce que je connaissais de celui-ci avant la visite.
Ratissage ou sculpture de sable ?
Je crois que ce sera ma photo préférée de ce temple, celle qui parvient le mieux à évoquer le dynamisme, l'espèce d'énergie mentale, qu'on ressent face à ce jardin. Je ne parle que des miennes, bien entendu.
Cette partie est plus traditionnelle, plus apaisante. Après la stimulation, la quiétude.
Le jardin de mousse n'est pas le plus impressionnant de la ville. Mais je trouve qu'il est très appréciable après des jardins secs. Effet de contraste.
Alors, verdict ? Un peu de déception tout de même. Le touriste doit suivre un parcours fléché, porté par la foule, qui le met dehors en dix minutes. Difficile de s'arrêter, on est sans cesse bousculé. En outre, c'est un temple où on ne visite que le jardin. Toujours un peu frustrant.
Toutefois, ce jardin est d'une telle originalité que sa visite se justifie finalement. Au moins pour faire l'expérience de cette création énergisante.
A mon avis, à intégrer dans une visite du quartier, avec la Promenade des Philosophes et quelques autres. Si on traverse la moitié de Kyoto seulement pour lui, c'est dommage !
J'ai bien mérité un petit réconfort ! Glace lait de soja et matcha, 300 yens.
Maintenant que j'ai refait le plein, je peux jeter un œil au Koto-ji voisin.
Bof.. .
Je me suis pas mal éloigné de mon logement, j'ai encore de la route à faire ! Redescente tranquille en empruntant majoritairement le long Amadegawadori. Succulentophile et aquariophile (qui vend des homards !) émaillent ma route.
Jamais proposé dans nos boutiques d'aquariophilie !
Comme les poissons d'aquarium, les plantes sont bien moins chères que chez nous. C'est peut-être une raison à leur diffusion.
Les berges de la rivière Kamo sont fort animées avant le coucher de soleil. On y joue du saxophone, on dispute des matches, on pêche, on fait trempette.
Je remonte dans les petites rues, à la recherche d'un restaurant de brochettes. Point. Une fête de quartier, en revanche.
Une heure de recherche ! Restaurants de friture, de ramen, ou shabu-shabu à 10 000 yens, mais pas un seul yakitori en vue !
En désespoir de cause, j'entre dans un restaurant de ravioli ; soupe aux wonton et gyoza, 640 ¥ les deux !
Quartier chaud de Gion, avec mannequins suggestifs en vitrine.
Merci beaucoup pour cet article très vivant, avec des photos fascinantes. Merci de passer autant de temps pour nous faire profiter de votre voyage.
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ce commentaire détaillé !
SupprimerIl règne dans cette ville une harmonie extraordinaire. La nature luxuriante crée un décor magnifique pour les temples nichés dans des écrins. Merci de nous faire profiter de tant de beautés.
RépondreSupprimerMerci infiniment pour ce gentil commentaire !
SupprimerWe have the same red maples here !
RépondreSupprimerJust perfect pics.
Best, Annie
Many thanks Annie !
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