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vendredi 27 juillet 2018

Festival de Montpellier : Kassya de Delibes

Alexandre Duhamel, Michael Schønwandt

Grande spécialité du Festival de Radio-France, surtout dans l'ère Koering, la redécouverte d'opéras oubliés. Cela a valu nombre de soirées mémorables (un Crociato in Egitto, un Sigurd, un Rienzi de haute volée parmi tant d'autres), quelques déceptions (L'Ombre de l'Âne de Richard Strauss aurait pu rester méconnu) mais beaucoup de chefs-d’œuvre ont été ainsi dévoilés, de la Turandot de Busoni au Macbeth de Bloch…



Michael Schønwandt, Véronique Gens, Cyrille Dubois

Un opéra de qualité

C'est à cette seconde catégorie qu'appartient ce Kassya de Delibes. Inachevé par le compositeur après six ans de travail, mais complété par Massenet, l'opéra ne séduisit guère à sa création et disparut après une série de représentations.

Incompréhensible.

Le livret est plutôt solide : dans les Carpates, Sonia aime Cyrille mais lui aime Kassya. Quant à cette dernière, après la prophétie d'une bohémienne, elle réalise un beau mariage en épousant un comte. Soulèvement des paysans (qui n'est pas sans rappeler la Jacquerie de Lalo, une autre résurrection du Festival) qui menacent le noble couple, sauvé par le généreux Cyrille. Kassya cependant meurt et Cyrille s'unira à Sonia. Amour, pouvoir, rôle de la foule, on retrouve les éléments communs à nombre de réussites du genre.

Je ne suis pas un fan absolu de Massenet (Le Jongleur, Werther, Manon ou Thaïs exceptés) et je pense que les passages qui m'ont le moins convaincu sont ceux où sa patte a été la plus affirmée. Mais nombre de beautés emplissent l'ouvrage : des choeurs somptueux, des airs magnifiques, une scène de neige superbe et un somptueux trio des retrouvailles. On a même droit à un ballet tzigane avec des rythmes exotiques (obertas, danse ruthène, sumka, trepak), qui me fait soudain penser à certaines œuvres russes.

Il s'agit encore d'une partition à numéros séparés, mais on voit le travail mené (et sans doute cela doit beaucoup à Massenet), vraisemblablement en suivant l'exemple wagnérien, pour unifier tout cela.
Merci donc, nous redécouvrons un vrai bijou.

Grande interprétation


Véronique Gens, Michael Schønwandt

Il s'agit d'une partition exigeante et on mesure la chance d'avoir eu des interprètes aussi solides. A commencer par le chef, le Danois Michael Schønwandt, qui obtient le meilleur de ses troupes. Les Chœurs de l'Opéra, renforcés par les fidèles de la Radio Lettone, vieux habitués du Festival, font merveille et l'Orchestre Montpellier Occitanie joue avec souplesse, bénéficiant de solistes de haut vol (notamment le violon solo de Dorota Anderszewska). Schønwandt dirige avec un engagement total, alternant dynamisme communicatif, fluidité et souplesse. C'est un grand chef qui ne déçoit jamais, quel que soit le répertoire. Et je l'ai beaucoup entendu depuis trente ans !

Cyrille Dubois, Nora Gubisch, Anne-Catherine Gillet, Véronique Gens

Même solidité dans la plupart de la distribution. Jean-Gabriel Saint-Martin bénéficie d'un rôle évidemment plus marquant que son Perückenmacher de l'Ariadne aixoise, et confirme son évolution. Toujours élégant ténor de Rémy Mathieu, présences efficaces de Anas Seguin et de Luc Bertin-Hugault dans des rôles épisodiques.



Luc Bertin-Hugault, Jean-Gabriel Saint-Martin, Renaud Delaigue, Rémy Mathieu, Alexandre Duhamel

J'aurais apprécié davantage de nuances dans le chant de Renaud Delaigue qui a peut-être retenu une interprétation rustique pour caractériser le père de Cyrille. Mais Nora Gubisch, de retour au Festival (alors qu'elle était également une invitée régulière), brille dans sa seule scène de la Bohémienne, à laquelle elle apporte beaucoup de relief.


Rémy Mathieu, Alexandre Duhamel, Michael Schønwandt

Alexandre Duhamel soigne son Comte de Zevale, particulièrement dans son air chanté avec beaucoup de vaillance.

Dorota Anderszewska, Michael Schønwandt

Alexandre Duhamel, Anne-Catherine Gillet

Dans un rôle dont l'écriture rappelle la Sophie de Werther, Anne-Catherine Gillet est un ravissement. Charme, grâce, fraîcheur sont des qualités qu'on lui connaît depuis longtemps. Elle construit à merveille son personnage, qui évolue de la demoiselle timide à la femme assurée, tout en soignant le style français.

Rémy Mathieu, Anas Seguin, Jean-Gabriel Saint-Martin, Nora Gubisch, Luc Bertin-Hugault
Anne-Catherine Gillet, Véronique Gens

Cyrille Dubois aurait sans doute gagné à une salle moins vaste que ce grand navire qu'est le Corum ; l'Opéra Comédie aurait vraisemblablement mis davantage sa voix en valeur. Mais quel plaisir à trouver un vrai ténor à la française, avec une diction impeccable et une riche palette de couleurs. L'évolution de ce chaleureux artiste, ténor mozartien émérite, est spectaculaire. Et combien l'avenir s'annonce prometteur !

Véronique Gens campe avec chic une héroïne pas spécialement sympathique, et sa chanson slave de l'acte II est un régal. Style, séduction, précision du chant, on ne sait que louer. Belle réussite d'une artiste qui ne m'a jamais déçu.

A quand une production scénique ?

Jean-Gabriel Saint-Martin

Cyrille Dubois

Luc Bertin-Hugault

6 commentaires:

  1. Captivating post! This opera must be very inspiring. Thanks.
    Annie

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  2. Si seulement j'avais pu être là ! Votre article donne très envie.
    Ornicar

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    1. Merci Ornicar ! Je crois que l'enregistrement devrait être publié.

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