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lundi 14 mai 2018

Paris : exposition Âmes Sauvages (peintres baltes) au Musée d'Orsay


Au programme du jour, une belle promenade et la découverte d'une peinture complètement ignorée chez nous...


Flânerie matinale



Ce matin, programme de courses ; j'emprunte les grands boulevards, et passe devant les grandes portes que plus personne ne regarde tant elles font partie du paysage. La porte Saint Denis fut construite à la fin du XVIIe par Blondel, sur le modèle de l'arc (de triomphe aussi) de Titus à Rome ; un monument de propagande à la gloire de Louis XIV.


Le bas-relief d'Anguier montre Louis XIV en chef militaire, surmontant des cavaliers qui se livrent une âpre bataille. Qui sait encore le titre ? Je vous le donne en mille ! Louis XIV mettant au pas la ville de Maastricht. De quoi compromettre la bonne entente franco-néerlandaise !


Le Grand Rex, copie réduite du Radio City Music Hall de New York. Son premier propriétaire, Haïk, possédait également l'Olympia. Ce cinéma des années 1930 accueillit en 1953 le premier grand film en cinémascope, La Tunique.


La fameuse affiche préservée de Bébé Cadum, l'égérie de cette marque de savon créée au début du XXe siècle, si célèbre que c'est devenu un nom commun.


Encore une façade originale, pleine de courbes et de rythme.


Bien curieux portrait de comédien, avant d'arriver Place de l'Opéra.


Façade mauresque à deux pas.

Déjeuner



Je retrouve mon amie Michèle pour le déjeuner dans une brasserie. Comme il fait un temps magnifique, nous nous précipitons sur une table en terrasse, et c'est là le seul atout du repas. Crudités avec une sauce insipide, bavette à l'échalote accompagnées de frites à l'huile rance, tarte aux poires bien lourde.



Elle part travailler, je continue mon itinéraire de touriste insouciant.

  Au Musée d'Orsay



Je n'ai pas mis les pieds au Musée d'Orsay depuis l'ouverture du blog, pourtant un bâtiment que j'ai régulièrement fréquenté dès son ouverture. Je n'ai pas l'intention de refaire l'itinéraire Impressionnistes, la foule d'hier m'a suffi.


Âmes sauvages

En revanche, c'est l'exposition Âmes sauvages qui m'a attiré là. Elle est consacrée à la peinture de la fin du XIXe et du début du XXe dans les pays baltes. Je n'ai jamais visité ces contrées et je ne connais rien à cette peinture. Je pars donc en terre inconnue.

L'exposition évoque dans son titre la peinture symboliste, ce qui est vrai pour une large partie, mais me paraît excessif pour certaines œuvres. Environ vingt-cinq peintres sont représentés, ce qui témoigne d'une indéniable vitalité artistique. J'ignore le nom de quasiment tous. J'ai vu une fois, à Stockholm, des peintures de Kristjan Raud, et je connais Mikalojus Konstantinas Čiurlionis pour son activité de musicien (et pas dilettante, un compositeur de valeur). Pour le reste, découverte totale.
Certes, il n'y a pas que de la grande peinture, et parfois cela manque de personnalité, mais l'exposition dessine une richesse artistique bien réelle et souvent une expression, qui essaie de construire un art national, bien singulière.

Elle est divisée en trois parties thématiques.

Kalevipoeg et autres histoires

La première est centrée sur la redécouverte des légendes nationales, avec la mise en avant de l'épopée du Kalevipoeg.

Kristjan Raud, Sacrifice

Après la période de l'ordre des Chevaliers Teutoniques, l'Empire russe avait mis la main sur ces pays du Nord. Une tentative d'émancipation, dans les années 1830, fut violemment réprimée. A la fin du XIXe siècle, le sentiment national grandit et on cherche des grandes figures du passé. En Estonie, on compile à ce moment l'épopée de Kalevipoeg, de presque 20 000 vers, dont les personnages principaux sont Kalev, sa femme Linda, et leur fils, le super-héros Kalevipoeg. Ce dernier décède mais ressuscite, devant veiller à la porte des Enfers que le Diable ne s'en échappe pas.

La première partie de l'exposition est donc consacrée à cette mise en images d'un passé retrouvé.

Oskar Kallis, Linda portant un rocher

Oskar Kallis, Kalev sur le dos de l'aigle

Nikolai Triik, Bataille

Nikolai Triik, Lennuk

Välko Tuul, Kalevipoeg et les guerriers

Janis Rozentāls, Arcadie

Janis Rozentāls, Chant de printemps

Janis Rozentāls, Au premier chant du coq

Kristjan Raud, Les Portes du royaume enchanté

Kristjan Raud, La Mort de Kalevipoeg

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, Rex

Peintre aussi singulier que compositeur, Čiurlionis a peint plus de 300 tableaux, sans doute un des artistes de l'exposition les plus caractéristiques du symbolisme et de l'art nouveau.

Kristjan Raud, La Jeune Fille au tombeau

Ferdynand Ruszczyc, Nec mergitur

Je suis dubitatif sur la qualité artistique de cette toile très colorée, à la spectaculaire gerbe d'eau. Mais j'ai fortement pensé au Fliegende Holländer, le Vaisseau Fantôme de Wagner, en la voyant.

Emīlija Gruzīte, Paysage fantastique

La seule peintresse de l'exposition, dont le paysage original me paraît un ancêtre de ceux de Max Ernst.

Aleksandrs Romans, Paysage au cavalier

Belle toile épurée, justement dosée en couleurs. L'utilisation des complémentaires lui donne beaucoup d'éclat.

Petras Kalpokas, La Cité enchantée

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, Triptyque du Conte

Rūdolfs Pērle, Sommets

Rūdolfs Pērle, Soleil

Sigismunds Vidsbergs, Danse avec les oiseaux ; Les Profondeurs de la mer ; Bateaux sur la mer.

Très délicates petites encres qui me semblent fortement inspirées d'Aubrey Beardsley, brillant dessinateur britannique célèbre pour sa série de Salomé.


Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La nuit sombre va tomber.

Le peintre-compositeur est parvenu à réunir ses deux passions.

Stanisław Jarocki, La Samogitie sacrée

Il m'a fallu chercher ! La Samogitie est donc une région de la Lituanie, entre la Courlande et le Niemen. Aujourd'hui elle ne correspond plus à une zone administrative précise.


Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, Cimetière lituanien

Séduisante tempera crépusculaire, à la palette économe.

Antanas Žmuidzinavičius, Au Pays où sont les tombes des héros

Nikolai Triik, Le départ pour la guerre

Antanas Žmuidzinavičius, La tombe de Povalas Visinkis

Tout ce que j'ai découvert sur Povalas Visinkis, c'est qu'une bibliothèque porte son nom. Un auteur lituanien, peut-être ?


L'Âme


La seconde partie de l'exposition, la plus fourre-tout, est baptisée l'Âme. Des portraits, évidemment, dont certains de très belle facture, des œuvres franchement symbolistes... c'est pour le moins varié.
Un long texte de Konrad Mägi est exposé, j'en ai recopié un passage :
II y a deux voies que l'art peut emprunter pour embrasser la vie. L'une est large, ouverte, sure et facile ; l'autre, abrupte, franchit des précipices et recèle des périls mortels. La voie facile est celle de l'intelligence, c'est aussi la voie des cinq sens, qui n'appréhendent de la vie que ce qu'elle a de contingent, dans sa morne et stupide quotidienneté. La voie abrupte, celle qui franchit les précipices, c'est la voie de l'âme : pour elle, la vie est un rêve profond où se devinent péniblement des liens d'une autre nature, des abîmes étrangers et inaccessibles à notre misérable intelligence.


Nikolai Triik, Konrad Mägi

Beau portrait d'un copain peintre, représenté dans l'expo.

Johann Walter, Près de la fenêtre

Réussite dans un genre déjà rebattu à l'époque.

Janis Rozentāls, La Mort

Dans la veine réaliste, un tableau glaçant. Le regard de la mère est aussi intense que l'éclat de la faux.

Janis Rozentāls, Malvine Vignere

Je pense à l'école viennoise. On voit au Leopold quelques portraits de la même veine.

Johann Walter, Jeune Paysanne

C'est ce tableau qui a été retenu pour l'affiche de l'exposition. La franchise de ce regard direct, la maîtrise de la palette, la simplicité de la composition lui confèrent beaucoup de force.

Konrad Mägi, Jeune Norvégienne

Janis Rozentāls, La Princesse au singe

Encore un qui me fait penser à Vienne ! Les premiers portraits de Klimt…

Konrad Mägi, Méditation

Vraiment curieux. Comme un souvenir de Gauguin repassé à la moulinette Art nouveau…

Paul Raud, Le Cimetière de Rakvere

Kristjan Raud, Repos pendant la fuite en Egypte

Kristjan Raud, Le Voyageur

Ferdynand Ruszczyc, Le Passé

Antanas Žmuidzinavičius, La Douleur

Je ne suis pas très sensible à la veine artistique de cette toile, mais le traitement du sujet est vraiment étonnant.

Peet Aren, Auprès du lit du malade

Thème traité depuis plusieurs siècles, mais le tableau est vraiment bien ; contrastes forts, composition rigoureuse, et cette femme au premier plan qui semble être le vrai sujet. Je suis partagé sur celle du fond ; une allégorie de la mort ?

Aleksandr Uurits, Un rêve

Très pur dessin à l'encre, presque surréaliste.

Kristjan Raud, Furies

Je pense que Raud avait dû voir des tableaux de Füssli !

Aleksandr Uurits, La Faim

Janis Rozentāls, Double portrait

Difficile de faire une photo correcte, avec le verre aux multiples reflets (toujours un fléau dans les expositions), mais je tenais à faire figurer ce portrait avec cet homme aux yeux de braise !

Teodors Ūders, Le Solitaire et le corbeau

Kristjan Raud, Sous les étoiles

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, Douleur

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La création du monde (détail)

Il s'agit d'un cycle de treize tableaux, originaux, qui renvoient davantage à une vision métaphysique ou poétique qu'au texte de la Genèse.

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La création du monde (détail)

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La création du monde (détail)

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La création du monde (détail)

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, La création du monde (détail)

Pēteris Krastiņš, Nouvelle Lune

La Nature


La dernière partie, la Nature, prouve l'attachement au cadre naturel. Forêts de bouleaux et étendue d'eau font partie du monde de ces peintres. On perçoit, là aussi, des influences européennes, mais la multiplicité des styles (et des matières) montre une véritable recherche.

Pēteris Krastiņš, Nuages sur la forêt

Pēteris Krastiņš, Arbre isolé

Un vrai symboliste, qui réalise de tout petits formats au pastel.


Pēteris Kalve, Paysage

Pas du tout symboliste, ce Kalve, mais technicien éblouissant. Exquis paysage de neige.

Johann Walter, Peupliers

La verticalité et la rythmique des arbres ont été soulignés en peinture depuis longtemps, mais peut-être les toiles de Monet ou de Maurice Denis ont joué un rôle plus important pour Walter. Hypothèse qui n'engage que moi !

Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, L’Été

Une vraie recherche pour ce tableau, avec ces effets de coulure.

Ferdynand Ruszczyc, Le Printemps

Nikolai Triik, Paysage décoratif de Norvège

Explosion de couleurs ! Presque un tableau fauviste.

Konrad Mägi, Paysage au nuage rouge



Konrad Mägi, Motif de forêt

Vilhelms Purvītis, Les Eaux printanières

Au contraire, sagesse classique pour cet élégant paysage au reflet.

Pēteris Kalve, Le Lac


Johann Walter, Un bois

Vilhelms Purvītis, Automne

Vilhelms Purvītis, Hiver

Évidemment pas très novateur, mais très esthétique paysage de neige avec un superbe reflet. Le ciel est grandiose... Une toile pleine d'espace.

Petras Kalpokas, Arbres près d’un lac

Petras Kalpokas, Paysage

Johann Walter, Forêt de bouleaux

Je cherche ; ce tableau m'en rappelle un autre. Des peupliers de Monet, pour l'effet de verticalité ? Des nabis ? Bonnard, peut-être, pour la palette ?

Je sors extrêmement satisfait de ces découvertes. L'exposition dure jusqu'au 15 juillet, il reste beaucoup de temps pour voir toutes ces raretés (et beaucoup d'autres) en vrai !
Je pense que pour la plupart, on ne les reverra pas de sitôt...

18 commentaires:

  1. Great paintings by unknown painters! An inspiring post, thanks for this discovery!
    Annie

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  2. Pour le repas, la prochaine fois, on fera mieux. Tes photos de l'expo sont superbes. Ca donne envie d'aller voir en direct.
    Un chouette article !
    Bises
    Michèle

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    1. Merci beaucoup Michèle ! J'espère que tu parviendras à visiter cette intéressante exposition.
      Bisous

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  3. Grazie per questa scoperta. Visiteremo questa mostra ; partiamo a Parigi alla fine del mese.
    Domenica e Pasquale

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  4. Thank you for this amazing post. A gift for art lovers.
    Your blog is a gem !
    Tracey

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  5. Grazie a voi due! Buon viaggio a Parigi.

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  6. Thank you Tracey for your great comment, a real privilege to read it!

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  7. Que de découvertes ! Merci pour ton passionnant article
    Bruno

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  8. Merci pour ce compliment, j'en suis très honoré !

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  9. Thank you for your post about my country ! Excellent pictures and fine text.
    Juhan (Talinn, Estonia)

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    1. Thank you Juhan for your kind words! It is very nice from you!

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  10. bravo c'est super et toujours un plaisir gros gros bisous
    Marthe

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  11. Super article ! Merci pour ces nombreuses photos !
    Laura

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  12. Great post, about unknown highlights from Northern countries.
    Uljana

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