J'ai fort bien dormi dans ma chambre confortable du Hunter's Moon Lodge et je descends volontiers prendre le petit-déjeuner.
Gary et Sally m'accueillent avec empressement. Ce sont vraiment des hôtes chaleureux, soucieux du bien-être de leurs clients qu'ils traitent presque comme des amis.
Je choisis prudemment le continental breakfast, je me réserve la version english pour demain matin.
Chemin du promeneur
Quand j'arrive dans le centre, chic, le marché s'est installé.
Ici des tentes uniformes couvrent tous les étals. Je ne vais pas me priver de l'occasion d'y faire un tour.
Voilà des variétés de pommes introuvables chez nous.
Bizarrement les choux de Bruxelles sont vendus en branches.
Un rayon de soleil bienvenu met le feu à cet érable japonais.
New House
Me voici arrivé. New House, c'était la maison qu'acheta Shakespeare de retour de Londres, auteur célèbre qui avait des parts dans la compagnie théâtrale du Lord Chambellan.
C'était la deuxième plus grande maison de la ville, qu'il paya 120 £, une somme alors considérable. Peut-être avait-il besoin de changer de cadre après la mort de son seul fils, un jumeau.
Il y écrivit la moitié de ses pièces et y vécut jusqu'à la fin de ses jours. Il mourut à 52 ans, en 1616.
La grande maison de Shakespeare n'existe plus. On visite donc le lieu où elle se trouvait, avec des jardins aménagés en son souvenir et une maison restaurée qui présente une petite exposition.
La visite n'est donc pas absolument essentielle, mais elle s'inscrit logiquement dans l'itinéraire du pèlerin.
Et ce serait mentir que de prétendre que se promener dans ces jardins, plantés d'essences mentionnées dans ses pièces, est désagréable.
Aucun arbre non plus n'est d'origine, mais le grand murier fut bouturé à partir de celui planté à l'époque.
Greg Wyatt a sculpté les personnages des pièces en créant d'étonnantes formes.
Le contrat de vente de la demeure.
Un objet trouvé durant les fouilles, en os, dont la forme et le principe n'ont absolument pas évolué : un vide-pommes !
Des robes en papier ! Ca fait de l'effet tout de même.
Un des portraits de Shakespeare, peut-être le plus célèbre.
Autour de New House, tout près de la chapelle de la Guilde, il reste plusieurs maisons d'époque. Je suis toujours émerveillé de constater la longévité de ces bâtiments de bois, qui ont traversé des époques pleines d'incendies, de gels dévastateurs...
La rue qui mène à la maison natale du grand Will est tout aussi pittoresque.
La maison natale de Shakespeare
Ce lieu est, paraît-il, le plus connu et le plus visité de la ville. En été, on y fait la queue dans chaque pièce. Je suis satisfait de ma visite automnale qui me permet vraiment de prendre mon temps.
Après le film traditionnel, on accède à une exposition très souriante sur la célébrité de Shakespeare ! Y compris une figurine chinoise en plastique...
L'in-folio, la première édition des pièces, fait partie des livres hautement convoités. Le soin de cette édition (c'est le quatrième exemplaire que je vois) m'a toujours impressionné.
Un exemplaire des Métamorphoses d'Ovide. J'ai lu, il y a déjà quelques années, un ouvrage passionnant sur les lectures de Shakespeare, qui montrait combien Ovide avait fourni de sources. Aujourd'hui notre époque procédurière parlerait de plagiat. Mais ce passage d'un auteur à l'autre a toujours existé, et produit des chefs-d'œuvre ! Voir chez nous Plaute et Molière, ou tous les auteurs antiques chez qui La Fontaine a puisé.
Le jardin est devenu à l'époque romantique un jardin d'agrément, de très bel effet sur les images. Il devait plutôt s'agir d'un potager et verger, des plantations propres à nourrir une famille.
En tout cas, merci à Dickens, qui fit le maximum pour que cette maison ne soit pas détruite et devienne un musée. Il organisa même des représentations de charité dans lesquelles ses copains écrivains interprétaient des rôles. J'imagine aujourd'hui Roméo et Juliette avec Houellebecq et Angot (malgré tout le respect que j'ai pour leur œuvre !)
La visite est très vivante, grâce à des guides déguisés qui informent les touristes dans les salles et répondent inlassablement aux questions.
Je me hasarde à poser une question qui me taraude, à savoir pourquoi les lits coûtaient aussi cher. J'apprends que ce n'était pas le bois qui en faisait le prix, mais le tissu, qui avait intérêt à être épais et robuste.
On se représente mal combien, la moitié de l'année, la vie à la maison était une lutte constante contre le froid, dans des maisons non isolées, au torchis parfois dégradé, avec des ouvertures sans fenêtres. Le verre des fenêtres ne se généralisa que plus tard, pour l'heure il était question de volets et de paille bourrée. Des murs couverts de tentures, quand on pouvait se les payer (même problème que les lits, en fait). Des cheminées multiples (dix dans New House) qui brûlaient sans discontinuer. La quantité de bois consommé devait être énorme, pas étonnant que nos contes soient remplis de bûcherons.
J'ai visité il y a quelques années, à Londres, une fort instructive exposition sur la mortalité infantile et ai appris que le froid avait été la première cause bien plus que les épidémies, directe ou indirecte.
Le papa de Shakespeare était gantier (on ne sort pas du thème, se protéger du froid).
Un guide très informé fait profiter les visiteurs de ses connaissances étendues concernant le tannage (dans lequel urine et excréments étaient les ingrédients essentiels), principes de la ganterie (une partie symétrique + le pouce), le choix du cuir... Cochers et cavaliers demandaient celui de porc, plus robuste. Le daim était un signe extérieur de richesse. L'écureuil, plutôt utilisé pour les dames.
Le sac à main était déjà un accessoire de mode. Muni d'un anneau qu'on accrochait à la ceinture pour ne pas avoir à le tenir en main. Toujours une histoire pour ne pas exposer les mains au froid !
J'ai vu exactement le même type de lit à New York, dans la Van Cortlandt House. Le sommier est fait en corde, retendue avec une clef. On remarque aussi les tapisseries amovibles.
Un exemplaire du Pavillon des Pivoines, ouvrage chinois qui présente de troublantes similitudes avec Roméo et Juliette. Certains professent des théories sur le fait que Shakespeare ne serait pas l'auteur de ses pièces et se sont emparés du fait. On peut remarquer aussi qu'Ovide n'en est pas éloigné non plus (source davantage probable à mon avis).
Etant donné que même le conte de Cendrillon semble trouver sa source dans un texte chinois, il me paraît probable que la route de la soie ait transporté des histoires aussi bien que du poivre ou des tissus. On sait par exemple que les rhapsodes ont maintenu et propagé l'Odyssée, ma théorie ne me semble pas invraisemblable.
Dès que la maison qui avait vu naître le dramaturge national fut visitable, on s'empressa d'y laisser sa marque (avec le diamant de la bague, bien sûr). On peut voir ainsi la trace du passage de Walter Scott ou de Carlyle.
J'ai l'impression d'un Pieter de Hooch devant moi !
C'est dans cette chambre que naquit Baby William. Sans être précisément son berceau, celui-ci est d'époque.
Un lit amovible permettait d'accroître les possibilités d'accueil dans une chambre chauffée. A l'époque, on chauffait davantage les pièces des garçons. Est-ce parce que les filles étaient tenues pour négligeables, ou les garçons pour plus fragiles ?
Histoire d'augmenter le rendement, on construisit une annexe pour établir un pub, Swan and Maidenhead.
Dans la cour, des acteurs interprètent des scènes shakespeariennes.
Mais ce n'est pas tout, il se fait tard et j'ai un petit creux !
Déjeuner au Stratford Chinese Cuisine
J'ai repéré en venant, ce matin, ce restaurant chinois à buffet à volonté, 6,95 £ en semaine.
C'est vraiment très correct. Je goûte une foule de choses variées. Pour une fois, la cuisine semble réellement chinoise et non vietnamienne.
Je termine avec un café au Caffè Nero, très opportunément découvert ce matin.
Flânerie, suite
Maintenant que j'ai visité tous les sites remarquables de la ville, je peux vagabonder sans arrière-pensée.
J'en profite pour retirer ma place de ce soir au Royal Shakespeare Theatre. Le bâtiment cylindrique est prolongé d'une tour qui héberge l'ascenseur.
J'ai réservé ma place au mois de mai, et c'était déjà bien plein. Aujourd'hui, c'est fully booked.
La boutique présente nombre d'articles à la griffe de l'honorable Royal Shakespeare Company, maîtresse des lieux.
On y trouve même des épopées modernes, réécrites en pièces shakespeariennes. Je résiste à l'achat, mais suis bien tenté ! En les feuilletant, ça semble remarquablement fait.
Je poursuis ma promenade le long de l'Avon.
Voici l'arrière du théâtre.
Dans cette ville où le mot swan apparaît partout, logiquement les cygnes folâtrent dans la rivière.
C'est ce college qui enseigna au jeune élève William.
Retour vers le centre et l'inévitable chapelle de la Guilde.
Twelfth Night au Royal Shakespeare Theatre
Me voici enfin dans ce théâtre mythique ! La salle n'est pas encore ouverte, et je peux faire un tour. Je vois l'exposition, une installation d'Alan Kanes, Early Graves.
J'ai de la chance, je vais assister à une représentation d'une de mes pièces préférées, Twelfth Night, bizarrement traduite chez nous par la Nuit des Rois. C'est la quatrième fois que je la vois, et la seconde au Royaume-Uni. La fois précédente, c'était la légendaire version élisabéthaine avec Stephen Fry et l'extraordinaire numéro de Mark Rylance en Olivia. Comme à l'époque de sa création, tous les rôles, même féminins, y étaient tenus par des acteurs masculins.
Le spectacle d'aujourd'hui place l'action à l'époque victorienne, et c'est incroyable de constater comme cela marche bien ! Autre originalité, les jumeaux Sebastian et Viola sont interprétés par des acteurs d'origine indienne ; le programme souligne les liens de Queen Victoria avec ces contrées. Enfin, dans cette pièce où la musique tient une place tellement importante, le compositeur Nigel Hess a composé une réjouissante partition (qui rappelle Sullivan), jouée par une douzaine de musiciens à côté de la scène ! Certains passages sont même traités comme une comédie musicale, notamment une scène très joyeuse de Feste.
Les décors et costumes sont d'un luxe auquel on est peu habitué. Décors nombreux surgissant du sol ou du fond de la scène, innombrables costumes... C'est de la belle ouvrage.
La mise en scène hilarante est bourrée de gags visuels, et s'appuie aussi sur le fort talent comique des comédiens, en particulier le Malvolio d'Adrian Edmondson et le Aguecheek de Michael Cochrane. Kara Tointon est parfaite en Olivia, grande demoiselle sortie d'un roman de Dickens, mais tous les rôles, jusqu'aux plus minuscules, sont remarquablement tenus. Une soirée de rêve.
C'est un sacré privilège que de parvenir à faire signer mon programme à tous les dix-huit acteurs !
Wonderful visit of these beautiful places! Your post is Aaa
RépondreSupprimerThank you for this nice review!
SupprimerI love this post. We learn so much with you! And amazing pics too!
RépondreSupprimerThanks.
Best,
Annie
Many thanks! All the best to you.
SupprimerBeauté ,charme: un véritable plaisir que profiter des maisons,jardins,du marché,et le bouquet: le théâtre du grand Will.
RépondreSupprimerun blog à faire rêverqui clôt ce beau voyage.Mam
Merci mille fois ! Gros bisous.
SupprimerBelles photos et article très intéressant qui me rappelle de bons souvenirs. Agnès
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ce très gentil commentaire ! Bisous.
SupprimerExcellent post, with many pictures ! Amazing Old England.
RépondreSupprimerJethro
Thanks Jethro !
SupprimerSuperbe voyage, magnifiques photos. Un chouette reportage que vous nous offrez là !
RépondreSupprimerChantal
Merci infiniment ! Je rougis devant tant de compliments !
SupprimerJe prends enfin le temps de détailler ce long et passionnant article. Encore une fois j'ai l'impression de faire la visite avec toi !
RépondreSupprimerMerci et félicitations !
Françoise
Merci beaucoup pour ce commentaire enthousiaste. Donner cette impression, c'est le but recherché !
SupprimerSuper blog !
RépondreSupprimerBien
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
SupprimerGreat post, a pretty nice tour of these #1 places!
RépondreSupprimerSimon
Thanks Simon for thid nice review!
SupprimerJ'écris rarement des commentaires ; je lis beaucoup de blogs et j'ai rarement trouvé une qualité semblable, avec un juste dosage des informations, un récit intéressant et beaucoup de photos qui illustrent l'article.
RépondreSupprimerFélicitations.
Thom
C'est un vrai privilège de recevoir de semblables compliments. Merci infiniment, Thom !
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