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mardi 20 décembre 2016

Barcelone : expositions à la Caixaforum et Elektra au Liceu


 Petit déjeuner

 Ce matin,  nous testons une pâtisserie avec tables et lounge,  Carrer del Carme. De nombreux lieux semblables ont fleuri dans le quartier,  avec le même style de décoration et les mêmes produits,  et ça semble être une bonne affaire.






Dans le Raval

Promenade par le Raval, l'université, Gran Via, pour arriver Plaça d'Espanya.




Cette place emblématique  a connu quelques changements, les arènes ont été transformées en centre commercial. Restent les deux tours monumentales, souvenirs de la grande exposition.





Expositions au Caixaforum

Nous sommes des visiteurs réguliers du Caixaforum, une ancienne manufacture de briques conçue pour allier le beau et le fonctionnel, tout en améliorant les conditions de travail des ouvriers. Récupéré par la Caixa, la principale banque locale, c'est devenu un centre actif qui propose ateliers, concerts, et abrite simultanément plusieurs expositions, souvent de grande qualité. Nous avons également souvent déjeuné dans son restaurant, autrefois fort bon.




Le rideau de bouteilles



La maquette du lieu (Caixaforum)

Collection Thyssen

La première exposition se consacre à des chefs-d'œuvre de la collection Thyssen. L'accrochage, thématique et non simplement chronologique, crée de judicieux rapprochements. Un Chagall côtoie un Fra Angelico, un Lucian Freud dialogue avec un Titien, et on mesure combien un Courbet est à la fois proche et éloigné du Flamand Roelandt Savery.
Duccio di Buoninsegna, Christ et la Samaritaine
Duccio est un de ces maîtres siennois qui comptent dans l'histoire de la peinture, en s'éloignant de l'icône byzantine aux codes figés pour entrer dans une peinture plus réaliste. Son attention à la perspective, aux ombres et aux matières (le chemin, les rochers, les tissus) ne manque jamais à l'appel.
Guido di Pietro da Mugello (Fra Angelico), Vierge à l'enfant
Toujours l'éblouissement d'un bleu qui claque dans les yeux et la grâce à chaque fois renouvelée.

Paolo Uccello, Crucifixion
Dois-je avouer que je ne connaissais pas cette oeuvre de ce génie de la Renaissance, célèbre pour les fresques du cloître de Santa Maria Novella à Florence et le triptyque de la Bataille de San Romano ?
Son idée d'aligner sur un plan les personnages, comme des figurines de diorama, avec un fond vaguement abstrait (pourtant proche de la Bataille, par exemple), avec un ciel d'encre, confère une force incroyable à la scène. Là encore, l'étroitesse de la palette est un argument. Quelle œuvre incroyable ! Certains Dali ne sont pas si loin.
Gerard David, La Crucifixion
Un des plus grands peintres flamands du XVe siècle, qui sait faire naître l'émotion en dépit d'une palette souvent étroite (et généralement marquée par les verts et les rouges,  en contrepoint ). Je n'ai jamais vu une œuvre de G. David seulement moyenne, que de l'exceptionnel.

Jacopo Negretti (Palma Vecchio), Vierge à l'enfant avec saints et donateur
Les églises de Venise renferment de nombreuses toiles de ce talentueux peintre si méconnu, à la manière à la fois délicate et harmonieuse. Stricte composition pyramidale aux lignes parallèles, d'une redoutable efficacité.
Domenkos Thetokopoulos (Le Greco), L'Annonciation
Je ne suis d'ordinaire pas du tout fan des peintures du Greco et de ses couleurs fluo, mais je trouve ce tableau plutôt réussi, avec de belles expressions et un effet de nuée efficace. Ca rappellerait plutôt Tintoretto, non ?
Marc Chagall, La Vierge du village
Un grand format aux couleurs vibrantes, où il semble bien que le village en question soit le cher Vitebsk que Chagall représenta souvent.
Robert Campin, Portrait d'un homme robuste
Tous les portraits de ce maître, classé dans les primitifs flamands, ont les mêmes qualités picturales, et on sent un réel souci de vérité plus que de beauté.
Raffaello Sanzio (Raphaël) et atelier, Portrait de jeune homme
Un très délicat travail à plusieurs mains, dans une harmonie de gris et de rose.
Hans Memling, Portrait de jeune homme
Un minuscule portrait avec toujours la perfection Memling.

Détail du précédent : le feuillet astrologique
Portrait à la mode, avec rideau et fenêtre sur le lointain, mais le verre et les précisions astrologiques sont plus rares.
Maerten van Heemskerck, La Fileuse
Un portrait à la fois virtuose et intimiste, avec un remarquable travail sur les matières.
Tiziano Veccelio (Le Titien), Antonio Anselmi
Un magnifique portrait dû à un vrai maître en la matière.

Adriaen T. Key, Guillaume I d'Orange
L'artiste n'a pas cherché à embellir mais a su rendre la vivacité de son illustre modèle.

P.P. Rubens, La Dame au rosaire
Grandeur glacée et perfection stylistique, comme dans tous les portraits de commande de Rubens.
Hendrick ter Brugghen, Esau vendant son droit d'aînesse
Un tableau inconnu, un de mes coups de cœur de l'expo. J'ai toujours admiré ter Brugghen et ses représentations de musiciens, ses scènes de bergers dans une pénombre caravagesque, mais j'ignorais ce tableau exceptionnel. Quel sens du drame muet ! Il parvient à la fois à raconter (et on devine bien l'importance du moment), et à figer le temps dans une tension retenue. L'intensité des regards est aussi impressionnante que le langage des mains. Et on voit bien que cet éclairage à la bougie a une vraie fonction théâtralisante, en jouant avec l'ombre et la lumière. Toutes proportions gardées, on n'est pas éloigné des chefs-d’œuvre nocturnes de Honthorst (présent ici avec le portrait suivant, qui montre un autre pan de cet artiste).

Gerrit van Honthorst, Violoniste au verre de vin
Cette joyeuse peinture montre une thématique différente du caravagisme, les scènes de taverne et de jeu.
José de Ribera, Saint Jérôme pénitent
Une majeure partie de la carrière de Ribera se déroula à Naples, au point qu'il en acquit le style. Un travail admirable par l'expression et l'anatomie.
Rembrandt, Autoportrait au bonnet (1643)
Le sujet que Rembrandt ne cessa d'explorer sa vie durant, étonnant journal de la vie d'un peintre, d'un homme. Un chef-d’œuvre à chaque fois.
Andrew Wyeth, Ma jeune amie
Les toiles de Wyeth impressionnent toujours par la minutie de l'hyper-réalisme. Même de près, on reste confondu.
Lucian Freud, Dernier portrait
Les oeuvres de Lucian Freud, découvert il y a bien longtemps dans une exposition londonienne, me bouleversent toujours. La peinture dans ce portrait qu'il ne put achever est plus sage qu'à l'accoutumée, mais quelle expressivité !
Edward Hopper, Chambre d'hôtel
Un peintre toujours identifiable à sa manière précise et un peu glacée (je ne sais pourquoi, ses personnages me font souvent penser à Poussin), qui s'entend à merveille pour décrire la solitude.
Willem Heda, Nature morte avec gâteau et citron
Grand rénovateur de la nature morte au XVIIe siècle, Heda semble avoir exploré toutes les possibilités d'un même tableau, avec nappe et fond ambré. Encore un maître des matières, toujours spectaculaire.
William Harnett, Objets pour un moment de plaisir
Une manière de trompe-l’œil pas si éloignée des maîtres hollandais.
Paul Cézanne, Nature morte
Un beau travail à l'aquarelle rehaussé de traits vigoureux, avec une utilisation intéressante du blanc de la feuille. C'est toujours intéressant de voir des aquarelles de Cézanne, tellement moins connues que ses toiles.
Juan Gris, Bouteille et fruits
Les natures mortes que Gris peignit durant son séjour à Beaulieu-les-Loches se caractérisent par la même palette, des tons froids gris et verts.
Paul Klee, Omega 5
Toujours beaucoup de fantaisie et de créativité. Une oeuvre de 1927 qui n'était pas présente à l'exposition du centre Pompidou, cette même année.
Pablo Picasso, Vase et fruits
Travail presque cubiste avec une palette très réduite dans cette toile de 1908.

Joachim Patinir, Paysage avec la fuite en Egypte
J'ai découvert Patinir il y a une trentaine d'années, au Prado, et j'ai immédiatement adoré ses tableaux d'un bleu profond. Chaque fois que j'en ai revu, ça a toujours été un enchantement. C'est un des inventeurs du paysage animé, un de ceux qui a donc travaillé aux origines du paysage pictural.
Roelandt Savery, Paysage montagneux avec un château
Je connais essentiellement Savery, le peintre de Courtrai, pour ses représentations de paradis terrestre qui figurent dans tous les grands musées du monde. C'est intéressant de le retrouver dans un paysage sans animal, avec un geste qui reste aussi caractéristique.
Philip Koninck, Vue panoramique avec une ville au loin
Grand maître hollandais de la vue panoramique, Koninck se distingue aussi par ses grands formats.

Christian Morgenstern, Chênes au-dessus de l'eau
Le XIXe siècle allemand a produit beaucoup de ces bons paysagistes, amateurs du temps suspendu dans la nature.
Gustave Courbet, La Brème
Très verdoyant paysage pour cet amoureux de la nature.
Asher Brown Durand, Ruisseau dans le bois
J'ai vu aux Etats-Unis quelques tableaux de ce peintre américain, délicat paysagiste.
Emil Nolde, Nuages d'été
Tableau bien représentatif de la force expressionniste de Nolde.
Jan Brueghel I, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée
Le dramatisme, la composition, la ville dans le lointain, tout est réussi.
Thomas Cole, Croix au crépuscule
Un tableau assez kitsch, mais on voit peu d’œuvres américaines des années 1840. Une manière de magnifier l'immensité d'un paysage grandiose.
Max Ernst, Arbre solitaire et arbres conjugaux
La matière de Max Ernst est clairement reconnaissable. Un tableau étonnant, surréaliste à sa  manière.
Monogrammiste IDM, Vue d'un port fluvial avec le château Saint-Ange
Un peintre resté inconnu, qui peint Rome comme les Pays-Bas. La silhouette du  château Saint-Ange ne permet pas de douter, cependant.
Canaletto, Il Bucintoro
Un tableau célèbre, aux détails fascinants.
Michele Marieschi, Le Grand Canal et la Salute
Dans la grande tradition des vedutistes vénitiens, une toile à la belle harmonie chromatique.
Camille Pissarro, Rue Saint-Honoré, Effet de pluie
Je trouve le tableau un peu fade mais l'effet de pluie est saisissant.
Lyonel Feininger, Architecture II
Cubisme, couleur, et un rideau rouge qui semble ouvrir sur une scène.
Vassili Kandinsky, Murnau, Johannisstrasse
Une rue comme une scène de théâtre.
Richard Estes, Cabines téléphoniques
Stupéfiant travail d'hyper-réalisme !

Art et cinéma

Provenant de la Cinémathèque Française, la seconde explore, cette fois de manière chronologique, les rapports entre art et cinéma. C'est parfois un peu facile : la thématique sur Charlie Chaplin juxtapose photos, dessins d'artistes, rouages provenant de Modern Times (Les Temps modernes), sans que cela génère véritablement de sens. Les costumes et affiches se seraient mieux intégrés avec un discours plus rigoureux. On voit tout de même des documents rares, comme cette peinture réalisée par Dalí pour Spellbound de Hitchcock, et finalement inutilisée, ou ce stupéfiant film de 1912 sur les bains de mer, aux couleurs incroyablement fraîches. Parfois le rapprochement ouvre la réflexion, comme cet étonnant voisinage entre une côte de Monet et un film de la même époque.


photographies d'Eadweard Muybridge

Juan Uslé, Asa-Nisi-Masa, une œuvre sur le principe des images précédentes

toile de Claude Monet


Un même sujet, la Place Bellecour de Lyon. 

image de Deauville Trouville, la plage et le front de mer (1912)

image de Deauville Trouville, la plage et le front de mer (1912)

Eugène Boudin, Femme en blanc à la plage de Trouville

dessins d'Emile Cohl, le précurseur du dessin animé

dessins de décors

les rouages de Modern Times

disques optiques


avec l'affiche du film, costumes de Jeanne Lanvin et de Claude Autant-Lara

sculpture de Cocteau

Salvador Dali, Dessin pour Spellbound

Alechinsky, Hommage à Henri Langlois

Un rapprochement entre Tati et Vieira da Silva

Affiches de films de Godard

La toile d'origine et l'affiche par Savignax

Deux œuvres de David Lynch

Le Baume et la Fuite

Troisième exposition, nommée Le Baume et la Fuite, montrant des œuvres réalisées en milieu carcéral. Certaines sont naïves, d'autres plus symboliques. Bien peu sont abstraites, mais je suis attiré par une spectaculaire toile de grand format, d'un sobre noir et blanc, à laquelle je trouve beaucoup de force.








Déjeuner au Caixaforum

Nous gagnons le restaurant, grande salle blanche ornée d'affiches d'anciennes expositions. Aujourd'hui, le menu Thyssen propose des sortes de raviolis de courgettes, de la morue dans une purée de potiron avec trompettes de la mort, et un gâteau aux champignons confits, une expérience originale. J'ai oublié de faire la photo, désolé !





Terre des Songes

La dernière salle inférieure expose de belles photos de Cristina Garcia Rodero sur l'Inde, qualifiée de Terre des Songes. Son travail présente notamment des exclus et infirmes ainsi que les soins qu'ils reçoivent. Des documents esthétiques et souvent émouvants.







Retour sous une pluie drue, avec des pauses shopping et quelques achats de bouche chez des commerçants recommandables : le café de la Portorriquena, le pain du Forn Del Raval, le jambon de Marcos à la Boqueria...

Elektra au Liceu

Ce soir, le Liceu programme Elektra de Strauss, dans la superbe production de Chéreau qui a voyagé dans nombre de grands théâtres, avec, fait rare, quasiment toujours la même distribution. Je l'avais beaucoup appréciée à sa création, au Festival d'Aix-en-Provence, avec sa dramaturgie efficace, son intense jeu d'acteurs et ses idées intelligentes et toutes simples, comme ces serviteurs qui se saluent en se retrouvant. Le rôle du tuteur d'Orest, confié à une légende de Bayreuth, Franz Mazura, prend un relief tout particulier : c'est lui qui se charge de tuer Aegisth.



C'est le chef maison, Josep Pons, qui dirige un orchestre du Liceu virtuose, aux cuivres colorés, avec un geste ample et précis. Leur performance est un des atouts majeurs de la soirée.
Le plateau est, je le répète, presque le même qu'à la première de la production. On entend donc les mêmes chanteurs, quelques années en plus. Certains se sont bonifiés, d'autres en ont profité pour approfondir leur personnage, mais la comparaison est parfois cruelle. C'est une désolation d'entendre la grande Waltraud Meier, encore une belle Isolde à Berlin, privée de projection et constamment à la recherche de sa voix. Adrienne Pieczonka compense certaines stridences par un réel engagement et confère une vraie chaleur à Krysothemis. Une grande musicienne qui sait ce que phrasé veut dire.
Les servantes, gardienne et autres membres du palais n'ont pas changé, et demeurent aussi efficaces. Mention spéciale aux "anciennes", Roberta Alexander et Renate Behle. Thomas Randle reprend son numéro d'AEgisth hystérique, et il le fait fort bien. Orest est le rôle à avoir le plus bougé depuis le début. Mikhaïl Petrenko au départ, René Pape à Milan, c'est ici Alan Held qui investit le personnage du frère vindicateur si attendu, et il sait trouver aussi bien le charisme que la douceur pour pour donner chair au personnage.
S'il ne fallait chercher qu'une raison pour assister à cet admirable spectacle, ce serait la fabuleuse Elektra d'Evelyn Herlitzius, encore mieux qu'à Aix. J'ai découvert cette prodigieuse chanteuse-actrice à Bayreuth il y a presque quinze ans. Elle était complètement inconnue Outre-Rhin mais m'avait fortement impressionné avec ses trois Brünnhilde si intensément jouées et merveilleusement chantées. J'ai fait le maximum pour la revoir, et chaque représentation a été un choc (Fidelio, Parsifal, Lohengrin, Wozzeck, Salomé. Tristan...) Ce soir encore elle se donne à fond, d'une voix toujours étonnamment jeune (et pas abîmée par le répertoire meurtrier qu'elle pratique à longueur d'année), sachant donner des forte sans crier. Et quelle incomparable actrice, qui semble possédée par son rôle. Elle me rappelle cette photo de femme exorcisée en Inde, vue cette après-midi. Et en plus, quelle personne adorable, qui prend vraiment le temps de discuter avec chacun à la sortie. Exceptionnelle.


Waltraud Meier

Adrienne Pieczonka

Franz Mazura

Alan Held

Thomas Randle

Roberta Alexander

Evelyn Herlitzius, le sourire permanent

4 commentaires:

  1. Merci pour ce long article et surtout les commentaires sur les tableaux. Je pense que ça t'a pris du temps mais c'est vraiment beaucoup mieux pour comprendre tes choix !
    Joyeux Noël
    Isabelle

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    1. Merci Isabelle et bonnes fêtes à toi aussi !
      Frédéric

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  2. Merci pour ce bel article avec des commentaires concis et intéressants. Je partage votre admiration pour ce beau ter Bruggen. Votre Blog semble très riche et cultivé. J'attends la suite avec impatience.. Cordialement Yann

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    1. Merci pour ce chaleureux commentaire. J'espère ne pas décevoir votre attente. Bonne fin d'année. Cordialement
      Frédéric

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