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jeudi 4 novembre 2021

Vienne, Belvedere : Biedermeier, Natures mortes et bouquets

Après une première série de représentations de la société, voici des natures mortes et des bouquets exposées au Belvedere dans les collections Biedermeier.


 La nature morte plonge aux sources de la représentation, avec les premières gravures montrant des haches dans la Préhistoire. Durant l'Antiquité, on en a peint beaucoup, notamment dans les villas romaines. Le Moyen-Age en a fait des symboles divers et c'est au XVIe que la nature morte apparaît dans notre univers, en Italie. Le XVIIe fera exploser le genre grâce aux peintres flamands et hollandais. Certains, comme Heda, deviennent des spécialistes. C'est aussi dans ce monde nordique du Siècle d'Or que le bouquet forme un sous-genre bien à part, avec ses maîtres obligés. Et c'est parti pour une histoire ininterrompue jusqu'à nos jours, le bouquet de fleurs n'ayant jamais perdu de son succès. Les Impressionnistes le traiteront tous, les fauves, les cubistes ne le négligeront pas, et ainsi de suite...

Les artistes de cette époque connaissent bien les peintres flamands et hollandais qu'ils admirent au Kunsthistorisches Museum, et les références sont claires. On peut parler d'une véritable émulation.

 C'est un genre où apparaissent davantage d'artistes femmes, car le nu leur est interdit et elles ne peuvent fréquenter les académies de peinture. La nature morte leur reste accessible, et le bouquet est sans doute associé à des notions de féminité. Elles se font péniblement une place qui reste étriquée, et la société autrichienne de cette époque est sans doute tout aussi corsetée que ses voisines. Néanmoins, avec le peu qu'on leur laisse, certaines parviennent à faire éclater un vrai talent.

Rosalia Amon, Stilleben mit Früchten und Blumen (Nature morte avec fruits et fleurs), 1847

Rosalia Amon fut élève de Waldmüller qui louait son talent. Et effectivement, elle fait preuve d'une sacrée technique ; beaucoup de volume grâce à un traitement judicieux de la lumière, arrangement savamment construit pour donner l'idée du naturel, et surtout des matières excellentes.

Rosalia Amon, Stilleben mit Früchten und Blumen
(Nature morte avec fruits et fleurs), 1847, détail

La peau pruineuse des pêches, un défi pictural, est rendue avec autant de maestria que la texture des feuilles ou le verni (pruineux également) des grains de raisin.

Franz Xaver Gruber, Blumenstück (Vase de fleurs), 1838

Je me demandais si ce Franz Xaver Gruber était également le compositeur de Stille Nacht (Douce Nuit) mais les dates ne coïncident pas ! Donc celui-ci s'est spécialisé dans la peinture, et il y a visiblement réussi. Là encore, les matières sont parfaites, et la luminosité et le relief sont confondants.

Franz Xaver Petter, Blumenstilleben (Nature morte aux fleurs), 1824

Très populaire tout au long de sa vie, Petter fit de la peinture de fleurs sa spécialité. C'est même ce qu'il enseigna à l'académie, dont il devint directeur ensuite. Ici il semble avoir surtout recherché à démontrer sa virtuosité, en multipliant les embûches : plumes de l'oiseau, œufs dans le nid, fruits variés dont les raisins...

Johann Knapp, Huldigung an Jacquin (Monument à Jacquin), 1821/22

Le titre un peu énigmatique du tableau est pourtant la clef qui permet de le comprendre : le botaniste Linné, auteur de la classification des végétaux, surveille depuis son urne. Le relief montre le portrait du botaniste autrichien Jacquin, et les deux apparaissent à nouveau avec les deux plantes qui s'emmêlent, la Linnaea boralis et la Jacquinia mucronata.

Sous couvert d'un innocent bouquet, il s'agit donc bien de voir un hommage et de bien mettre en avant la proximité des deux botanistes.

Ferdinand Georg Waldmüller, Stilleben mit Früchte, Blumen und silbernem Pokal
(Nature morte avec fruits, fleurs et coupe d'argent), 1839

Si les fruits sont un peu plus exotiques (ananas et figues par exemple), les fleurs sont exclusivement des productions locales. Il paraît qu'on peut voir au fond la Bacchanale de Rubens, conservée au Kunsthistorisches Museum, dont le prolifique Waldmüller fut également directeur.

Ferdinand Georg Waldmüller, Rosenstrauss am Fenster (Bouquet de roses à la fenêtre), 1832

Les autres bouquets de Waldmüller sont saisissants de maîtrise : la variété de textures, le relief, tout est réussi ici. On est proche de l'étape artistique suivante avec les bouquets de Fantin-Latour et de Manet.

Ferdinand Georg Waldmüller, Rosen im Glass (Roses dans un verre), 1831

 

La composition est peut-être un poil trop chargée, mais on sent que Waldmüller veut montrer l'étendue de ses talents, dans des matières vraiment stupéfiantes : argent, verre, papier, et bien sûr les végétaux. Le contraste plus fort, qui laisse le fond dans l'obscurité totale, fait éclater ses fleurs.

Waldmüller apporte un autre sens à sa composition, comme une Vanité des siècles précédents : le myrte et le livre de prières sont ici des symboles funèbres.

Pauline von Koudelka-Schmerling, Blumenkranz mit Madonnenrelief

(Guirlande de fleurs avec un relief de la Madone), 1834

La Vierge avec les deux petiots, Jésus et Jean-Baptiste, apparaît sur le bas-relief, entouré de fleurs choisies pour leurs symboliques.

Katharina Gräfin Coreth zu Coredo und Starkenberg, Stilleben (Nature morte), 1829

La comtesse Coreth se débouillait également bien en peinture, et s'est lancée dans une ambitieuse composition avec fleurs, fruits, osier du panier, bocal aux poissons rouges et même un rideau et un paysage !

Là aussi, c'est sans doute un peu trop, mais on sent un réel besoin de montrer ce dont l'artiste est capable, et un vrai bonheur de peindre. Un indéniable talent.

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