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dimanche 8 août 2021

Delphes : le Musée Archéologique


Le sanctuaire d'Apollon à Delphes, c'est un peu l'équivalent de Saint Pierre de Rome pour les chrétiens. Rien d'étonnant à ce que les fouilles aient livré des trésors, bien exposés dans un musée passionnant. 


La stèle, en français, nous signifie combien le site de Delphes doit à la longue histoire des infatigables savants français, universitaires et archéologues. L'école française d'Athènes fut un remarquable vivier de vrais passionnés. Conséquence pratique : pour une fois, le musée propose systématiquement des notices en français. 


Plus sympathique que Cerbère, le gardien des lieux assure l'accueil. 


Le sanctuaire le plus renommé de la Grèce antique coulait sous les dons. A la fois il fallait s'assurer la grâce des dieux, il était bien vu de s'acquitter d'un don généreux et la construction des "trésors", temples édifiés par des cités de tout le monde grec (y compris les Marseillais) était la garantie d'une efficace publicité. Donc les splendeurs ne manquent pas.


A l'époque géométrique, au VIIIe-VIIe siècle avant notre ère, on fabrique de petits personnages assez stylisés. Certains de ces guerriers portent des casques corinthiens. 


Le berger est là avec un exemplaire de son troupeau. La simplification des formes est nette, surtout pour l'animal, mais les proportions me semblent exactes et l'expressivité n'est pas évacuée. 


Pieds de trépied en bronze. 


Un bien rare chaudron avec un trépied d'époque. 

Impossible de ne pas penser au trépied divinatoire devant lequel était assise la Pythie, la "voyante" la plus célèbre de l'époque ! 


Les griffons, un des plus anciens animaux fantastiques, ornaient souvent ces chaudrons. On leur prêtait le pouvoir de repousser les forces maléfiques. 
Venus d'Orient, ils révèlent les connexions avec l'est de la Méditerranée, via la Lydie ou la Phrygie. 


Les boucliers étaient offerts comme éléments votifs (pour remercier de la réalisation d'un vœu). 





Un trésor était donc un petit temple commandité par une cité, qui lui servait de vitrine à travers sa riche ornementation et les objets qu'il abritait. 


Siphnos connaissait alors une grande prospérité avec ses mines, et la qualité du décor vient le proclamer. Une des caryatides a été bien conservée. 


Le trésor de Naxos comprenait une belle statue de sphinx, remarquablement préservée. 



Cette tête de caryatide était présentée comme un élément du trésor des Cnidiens, mais cette proposition semble abandonnée. 


On voit si peu de frises en place qu'il faut en profiter dans les musées ! 
Ici, alignés bien sagement, voici une série de dieux protecteurs en train de papoter. Le simple mouvement de la déesse qui se retourne suffit à nous faire passer de la description au récit. 



Féroce scène avec un lion terrible. Et ce n'est pas Hercule qu'il a en face de lui ! 



Les casques découverts n'ont jamais servi. Ils étaient offerts comme cadeaux aux dieux. 


Toute petite statuette en bronze d'un Kouros venu de Crète. Petit, mais impeccable. 


Les archéologues français mirent au jour en 1939 deux fosses pleines d'objets en matériaux précieux. Formidable découverte qui précise la richesse des cadeaux offerts au sanctuaire. Ces éléments décoratifs en ivoire sont minutieusement ciselés. 


Héraklès-Hercule avec la dépouille du lion, bien différent du type héroïque et musculeux ordinaire. 


La statue du taureau est formée de trois feuilles d'argent martelé et c'est la plus monumentale à témoigner de cette technique, antérieure à la fonte des métaux. 


Ces fines lamelles ornaient des éléments de la statue. Un griffon décore celle du haut. 


C'est tellement rare de voir un exemplaire de ces statues chryséléphantines (chryso pour l'or, éléphantine pour l'ivoire) qui provoquaient l'ébahissement général. Je trouve la tête magnifique, en outre. 


Grâce au nombre de pièces retrouvées, on peut se faire une idée de l'ensemble de cette statue. Très impressionnant en effet, et sans doute ce devait l'être davantage à une époque moins blasée que la nôtre. 


On a baptisé "Jumeaux d'Argos" cette paire de splendides Kouros (kouroï, mais je ne vais pas vous faire le coup à chaque fois du pluriel grec) exécutés vers 580 -JC. 


Le sculpteur Polymedes a signé son oeuvre sur le socle. Ca fait quelques années que cette problématique de la revendication de l'œuvre par l'artiste m'intéresse. Il faut attendre une période proche de nous pour que l'usage se systématise, et dans l'Antiquité c'est loin d'être le cas. Pour autant, cet exemple n'est pas unique. 


Quelques scènes pittoresques parmi les grands contes de l'Antiquité. Ulysse sort de la caverne du Cyclope Polyphème en se dissimulant sous le ventre des moutons, scène devenue emblématique de la ruse. 


Héraklès-Hercule revient chez Eurysthée, le roi de Tyrinthe, avec le sanglier d'Erymanthe. Le commanditaire des travaux, pris de panique, se cache dans une jarre. 


Au fronton du temple d'Apollon figuraient les statues de maîtres athéniens, Praxias et Androsthenes. 


Il s'agit d'une Nikê, une femme munie d'ailes comme la Victoire de Samothrace. Dans cette période de sculpture archaïque, elle était présentée dans la position de "course agenouillée". 


Reconstitutions toujours utiles pour se faire une meilleure idée durant la visite du site. La dimension du temple d'Apollon est vraiment énorme. Celui-ci fut reconstruit en 330 -JC, après qu'un séisme eut détruit le précédent. 



Sur cette coupe, Apollon joue de la lyre tout en jetant quelques gouttes de vin en libation (offrande sacrée). L'oiseau rappellerait éventuellement les amours du dieu avec Coronis, transformée en corneille comme nous rappelle Ovide. 



Autre passage moins connu de la mythologie d'Hérakles-Hercule : son combat contre Cycnos, un brigand qui pillait les fidèles. Malgré les lacunes, on ne peut manquer le mouvement du groupe sculpté. 



Un élément provenant du trésor des Marseillais. 


Brûle-parfum en bronze, sans doté réalisé à Paros. Œuvre aussi rare que parfaite. Je ne crois pas avoir jamais rien vu de semblable. 
On mesure la récurrence de la thématique du chaudron. Je me demande toujours si celui de la Pythie n'est pas à l'origine de celui de la sorcière. 



Parmi les éléments de toiture, de parfaites gargouilles en tête de lion. 


Deux athlètes. L'un brandit une couronne, le cartel avance que c'est pour saluer son compagnon. 


Remarquable tête de chien. C'est un protomé qui décorait un lit. Expression intense de l'animal, mélancolique dirais-je. 



Le temple d'Athena Pronaia comportait une partie célèbre, une tholos (une construction circulaire). Hormis cette forme particulière, le principe de décoration reste habituel, avec les triglyphes (les trois bandes) et les métopes, les parties carrées ou rectangulaires historiées.


Outre les trésors, on pouvait également ériger sur le site des groupes sculptés. Celui-ci est un ex-voto familial, dédié par Daochaos II, représentant de son peuple à Delphes. La statue d'Agias, grand vainqueur au pancrace (une lutte où presque tous les coups étaient permis) reproduirait une plus ancienne du sculpteur Lysippe, nous permettant ainsi de connaître son art. 


Sur une imposante colonne de 13 m s'ébattaient ces trois jeunes filles. On les a crues des danseuses, il s'agirait en fait des filles du roi d'Athènes. Magnifique sculpture quelle que soit son interprétation. Le bas de la colonne est sur ma photo suivante. 



Autre groupe familial où se distingue un personnage âgé qu'on baptisa le "Philosophe". C'est un vrai portrait, très individualisé. 


Le théâtre, au sommet du site, ne pouvait qu' être également décoré. Les travaux d'Hérakles-Hercule y étaient racontés sur la frise. On voit ici le héros aux prises avec les cavales de Diomède, de redoutables juments qui se nourrissaient de chair humaine. 


Sur le sanctuaire d'Athena Pronaia, on découvrit cet autel circulaire. De gracieuses demoiselles accrochent des bandelettes à des guirlandes. Je pense irrésistiblement à la décoration des arbres de Noël ! 


Antinoous, le favori d'Hadrien, noyé dans le Nil dans sa prime jeunesse. 
L'empereur inconsolable le fit reproduire à l'infini. Bien belle statue du IIe siècle (de notre ère, cela va sans dire). 



Il se pourrait que ce soit la tête de Titus Quictius Flaminius, le " libérateur" de la Grèce à Corinthe. Que l'attribution soit exacte ou non, quelle qualité d'expression ! Avec une douceur rarement montrée. 


L'aurige découvert sans les chevaux qu'il conduisait termine brillamment la visite. 


L'aurige conduisait un quadrige, et le bandeau qui ceint sa chevelure montre qu'il avait remporté la course. 


C'est une œuvre d'une rare perfection, et d'un réalisme étonnant : la pression de la lanière sur les plis... 


Les éléments de la ceinture articulée... 


Et quelle allure digne ! Comme je l'écris souvent, les yeux complets, avec la pupille, ajoutent une vérité troublante, mais toute la statue est expressive. 

Un vrai chef-d'œuvre. Difficile de s'en détacher.

4 commentaires:

  1. Très intéressante visite de ce beau musée ! Bonnes photos et commentaires pertinents.
    Merci beaucoup !
    Justine

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    1. Merci infiniment, Justine, pour votre chaleureux message !

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  2. Bravo pour ce formidable travail. Sans équivalent sur le net.

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    1. Merci beaucoup, cher Anonyme, pour ce chaleureux commentaire.

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