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samedi 26 octobre 2019

Vienne : Macbeth (Wiener Staatsoper)


J'avoue que j'ai un faible pour Macbeth, un de mes opéras de Verdi favoris. Terminer ma série au Wiener Staatsoper avec celui-ci, qui rentrait pile dans mes dates, quel plaisir ! 

La production de Christian Rath


J'ai vu plusieurs productions de cet opéra ici ; celle de Peter Wood a été reprise jusque dans les années 2000, celle de Vera Nemirova, en 2009 (avec un splendide Simon Keenlyside), ne fut jamais reprise. Il y avait de bonnes idées mais elle faisait sans doute trop Regietheater pour la maison viennoise ! L'actuelle date de 2015 et elle en est déjà à sa vingt-deuxième représentation, mais je ne l'ai encore jamais vue.


Elle évite heureusement les kilts qui ruinèrent tant de productions et situe l'action dans une actualité récente, illustrée par des costumes modernes et un décor en blocs de béton qui se déplacent pour faire évoluer l'espace ; on a le sentiment de se trouver plongé dans une dictature latine, ce qui est sans doute l'image la plus proche du livret tout en restant politiquement correcte.


La production fourmille de bonnes idées, notamment au niveau des costumes qui traduisent clairement l'évolution des personnages ; d'ailleurs, la seule référence à l'Ecosse sera le tailleur à carreaux arboré par Lady Macbeth lors du banquet, après la version neutre présentée  à sa première scène.


Lors de la scène du spectre, il s'agit d'une grande ombre projetée sur le mur, effectivement impressionnante.


C'est dans un bunker fortifié qu'est assassiné Duncan, et le meurtre déclenche immédiatement l'action de la police scientifique, suivie d'arrestations arbitraires.


Le plus réussi est la scène des apparitions, où les sorcières font irruption dans la chambre de Macbeth peu à peu envahi par ces créatures qui le cernent et passent sur son corps.


Cette proposition, très étudiée, actualise intelligemment le propos, sans perdre de vue Verdi et Shakespeare, et elle dégage avec acuité les principales problématiques de l'opéra. Une des meilleures que j'ai vues ces dernières années, même si j'avais beaucoup aimé celle de Prague.


Grande distribution




L'Ensemble est, une fois de plus, mis largement à contribution. On y puise l'efficace Fiona Jopson pour la Dama, Ayk Martirossian qui compose une inquiétante figure d'espion (et rassemble ainsi les rôles de Sicario et de Medico).



C'est Carlos Osuna, un Mexicain dans la troupe depuis une dizaine d'années, qui interprète Malcolm avec beaucoup d'assurance où il fait valoir son joli timbre de ténor. Il a une autorité naturelle qui sert parfaitement le personnage.


Le ténor chinois Jinxu Xiahou est entré dans la troupe en 2013 et a commencé par des utilités, un Juif de Salomé, le Capitano de Boccanegra, avant de passer à Cassio, Nemorino, Ernesto, Ottavio et Rodolfo. C'est une évolution intéressante qui montre le poids que prend peu à peu cette voix, et Macduff est souvent une porte d'entrée sur le répertoire verdien. On ne peut que le féliciter pour la qualité de l'émission, le soin accordé au texte (verbe et musique, j'entends) et la précision du style. Sa paterna mano est impeccable, et justement applaudie.

L'Américain Ryan Speedo Green est aussi en troupe ici depuis plusieurs années, même si je l'ai entendu l'an dernier au Met dans Semiramide. Sa voix longue, large et sombre, sert magnifiquement Banquo, et il nous gratifie d'un Studia il passo superbement phrasé, avec toute l'émotion requise.


J'ai eu la chance d'entendre déjà la Lady de Tatiana Serjan, et je l'avais beaucoup appréciée, mais ce qu'elle fait ce soir est phénoménal. Sa voix impressionnante se transforme en torrent de lave qu'elle manie à l'envie, avec toutes les notes en place de la cave au grenier. La palette est infinie, la dynamique maîtrisée en totalité, et le personnage est construit avec une maîtrise stupéfiante. Sans doute une des plus grandes Lady que j'aie jamais entendues.


Le clou de cette reprise, c'est le premier Macbeth à Vienne de Placido Domingo. Depuis sa reconversion en baryton, il a chanté plusieurs rôles ici, et son Sire di Cawdor a déjà été étrenné ailleurs, mais c'est ce soir son premier in loco.

C'est certain qu'il aimerait avoir la longueur de voix et la facilité des aigus de sa jeunesse, mais on entend un vieux monsieur de soixante-dix huit ans, et ce qu'il fait est extraordinaire. Sa technique inoxydable lui permet de tenir la ligne de chant, d'émettre une voix encore par moments puissante, sans vibrato dangereux. Et pour habiter un personnage, on sait qu'on est toujours servi. L'émotion de ses grandes scènes est bien au rendez-vous et culmine évidemment dans un Pietà, rispetto, amore, tenu de bout en bout, et vraiment interprété. Un rôle qui lui va aussi bien que son Boccanegra !


C'est toujours avec une certaine émotion que j'entends ce véritable phénomène, le recordman officiel du nombre de rôles, mais surtout quelqu'un qui a accompagné toute ma vie de spectateur. Et ils ne sont pas si nombreux encore sur scène, les chanteurs que j'entendais à mes débuts.




Giampaolo Bisanti dirige avec classe et beaucoup d'attention aux climats, tout en chouchoutant ses chanteurs qu'il bichonne avec amour. L'orchestre du Staatsoper fait honneur à sa réputation, notamment avec un splendide pupitre de vents. Si les chœurs n'ont pas toujours la précision nécessaire (c'est parfois dû simplement aux emplacements sur scène), leur couleur est magnifique et le Patria oppressa, aussi musical qu'émouvant, leur vaut un triomphe généralement réservé au plus populaire Va pensiero.


Exceptionnelle soirée donc, pour ma dernière au Staatsoper de la série. Il faudra que je revienne vite !



Ayk Martirossian

Giampaolo Bisanti

Jinxu Xiahou

Ryan Speedo Green

Tatiana Serjan

Plácido Domingo


4 commentaires:

  1. An evening with Placido ! Fabulous !
    A fantastic post about a fantastic evening !
    Annie

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    Réponses
    1. I loved today's performance, really fantastic as you write.
      Thanks, Annie !

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  2. Fabulous performance.
    Thanks for your review!

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