Paris : Canal Saint-Martin, Rotonde, Buttes-Chaumont, Philharmonie

Malgré les grèves, mon train circule sans encombre et j'atteins Paris comme prévu un peu après midi. Je pars poser mon sac à l'hôtel et retrouve mes parents qui séjournent actuellement dans la capitale.

 A Paris, le ciel est tout azuré ! Bien plus qu'en Provence ce matin. L'itinéraire me fait passer devant Saint Ambroise. Je n'entre pas dans cette église, œuvre du prolifique Ballu (celui de la Mairie de Paris et de l'église de la Trinité). C'est pourtant une de ses réussites. Outre le nom du saint patron de Milan, elle est célèbre pour son rôle dans la Commune (le Club Ambroise était une association de prolétaires qui s'y réunissaient), les obsèques de Marthe Erbelding (une enfant de onze ans violée, tuée et dépecée dans les années 1910) et évidemment le mouvement des sans-papiers il y a une vingtaine d'années.

Déjeuner au restaurant L'arbre jaune

J'avais déjà pris un repas dans ce restaurant du XIe, un bon souvenir. Retour donc pour découvrir la carte du jour.

 Aujourd'hui ce sera soupe de lentilles, lasagnes et crumble. Je vérifie mes premières impressions : une cuisine soignée, maison (on peut contrôler avec la cuisine ouverte), qui insère dans des plats traditionnels de petites touches d'originalité. Une adresse pas loin de République et qui reste vraiment très recommandable. Le rapport qualité-prix est un des meilleurs du quartier.

Voilà un moment que j'avais l'idée en tête, car c'est une promenade que je trouve très agréable : remonter le Canal Saint Martin jusqu'au bassin de la Villette. Avec ce temps printanier, ce sera un vrai plaisir.

Le long du Canal Saint Martin

 Ce petit canal, long d'environ cinq kilomètres, a été creusé au début du XIXe siècle pour relier le bassin de la Villette, fin de mon itinéraire, au port de l'Arsenal. A l'origine, il servait à apporter l'eau potable ; malgré sa faible dénivelée, il compte deux ponts tournants et une dizaine d'écluses.
Entre République et Bastille, on ne voit rien car il est souterrain, couvert par le boulevard Richard Lenoir. On le devine simplement avec les aérations au centre de la partie arborée.
C'est dans la partie supérieure qu'on peut réellement le longer.

 Le canal est aussi célèbre pour le film Hôtel du Nord de Carné, avec sa fameuse réplique "Atmosphère, atmosphère !" d'Arletty. Si le récit se déroule dans le quartier, le film fut cependant entièrement tourné en studio.

 Sur ce pont tournant, on voit bien la partie mobile. En fait de bateaux, ce sont surtout les embarcations touristiques que j'y ai toujours vues passer.

 Aux beaux jours,  les quais de Jemmapes et de Valmy sont des endroits de farniente très prisés. Les soirs d'été, c'est carrément bondé. Et très bruyant.

 Les écluses sont toujours en service.

Les bâtiments d'époque demeurent, mais je ne sais pas s'ils sont toujours en activité.

Les pelouses parisiennes sont prises d'assaut. Le jardin Villemin, avec son kiosque à musique, n'y échappe pas. Curieux retour d'histoire : il accueillait les blessés sur civière à l'époque où c'était un hôpital militaire…

 Si aujourd'hui les passants promènent leur chien, c'étaient les haleurs qui tiraient les bateaux sur ces chemins au XIXe siècle. Le halage humain revenait moins cher que les animaux de trait !

 Voici le printemps, pas de doute.

Une vedette pour touristes est  en train de passer l'écluse.

 Depuis une dizaine d'années, une partie des quais est devenue village de tentes de sans-abris. Détruit en 2010, ce bidonville est à nouveau bien vivant avec l'arrivée de migrants, notamment syriens.

 A cet endroit, le métro est aérien. L'ancienne station Rue d'Allemagne fut débaptisée en 1914, les relations avec nos voisins germains n'étant pas au mieux à cette époque. Elle fut renommée Jaurès, en l'honneur de notre grand homme qui venait d'être assassiné.

La rotonde de la Villette

Ce bel édifice aurait une coupole, on le prendrait volontiers pour une église.

 Il n'en est rien. Claude-Nicolas Ledoux, l'architecte des Salines d'Arc-et-Senans, conçut ce bâtiment de prestige pour la barrière de l'octroi, comme à la place de la Nation. Les marchandises qui entraient dans Paris étaient taxées, et là se trouvaient les bureaux des receveurs.

Ledoux appelait ces édifices des propylées, montrant une référence antique qu'il voyait au service du siècle des Lumières. Ces piliers doriques, les frontons, les métopes en découlent directement. Pour la rotonde, il faudrait plutôt y voir une influence de la Renaissance italienne à la Palladio. J'ai visité jadis la Villa Almerico-Capra (justement appelée La Rotonda, on la voyait dans le film Don Giovanni de Losey) près de Vicenza, en Vénétie, et on pourrait la considérer comme un lointain modèle.

 Les toilettes sont situées dans les voûtes du sous-sol.

 Après son rôle administratif, la rotonde devint caserne et même grenier à sel. Elle faillit être détruite à plusieurs reprises, à la démolition du mur de l'octroi, pendant l'incendie de la Commune et à la construction du métro.

 C'est finalement un miracle qu'on puisse encore voir cette rotonde très épurée, aujourd'hui animée par des suspensions joyeuses.

 Ce sont maintenant des bars, restaurants, "mini-club", qui l'occupent.

 Le bassin de la Villette constitue le début du canal. Difficile de croire que c'était au XIXe siècle le quatrième port français, après Marseille, Le Havre et Bordeaux ! En fait, c'était une grande voie d'accès pour les péniches chargées de marchandises, et particulièrement de céréales.

J'abandonne le canal et bifurque vers l'avenue Secrétan.

Le gibet de Montfaucon

 Autre haut lieu de souvenirs du quartier, le gibet de Montfaucon.

Jadis se trouvaient ici les fourches patibulaires, un endroit sinistre où étaient exposées à la populace les dépouilles des condamnés à mort. Au XVe siècle, il fut transformé en ce fameux portique à seize piliers, voulu pour terroriser et menacer tous les malfrats. Il fut en activité jusqu'aux guerres de religion.

C'est un endroit qui alimenta une énorme littérature. On y pendait même des animaux vêtus comme des humains, parce qu'ils s'étaient attaqués à des personnes, après leur avoir fait subir un procès !
Je renvoie à l'abondant article de Wikipedia qui donne une foule d'informations.

Plus rien de ce lieu de haute mémoire, sinon deux plaques ; un marché couvert y a a été construit, à son tour transformé en centre commercial.

 Une tentative de jardin urbain. Toujours à encourager !

Le parc des Buttes-Chaumont

 Napoléon III voulait un grand jardin dans le Nord-Est de la capitale et il commanda ce vaste jardin à l'anglaise à l'infatigable Alphand, créateur de tous les espaces verts parisiens de l'époque (jardins des Champs-Elysées, bois de Boulogne et de Vincennes, parc Monceau, boulevard Richard-Lenoir notamment) mais aussi du parc Borély à Marseille.

 A l'origine, c'était une carrière de gypse. Ce parc fut voulu comme un jardin à la mode, avec une nature "libre" dans laquelle on incorporerait temple romain et fausse grotte ; le contraire du jardin bien ordonné à la Le Nôtre, donc.

 L'ancienne butte Chaumont offre toujours un panorama étendu. Si le matin, on y voit surtout des Asiatiques en pleine séance de Tai-Chi, aujourd'hui c'est le pique-nique et le bronzage qui sont les activités principales.

 Je grimpe jusqu'au temple romain.

C'est un faux, bien sûr : un temple circulaire, lointain souvenir du temple de Vesta sur le forum romain. Une construction de l'architecte Davioud, celui des théâtres de la place du Châtelet.

 L'île du Belvédère porte bien son nom (bel vedere = belle vue).

 Une cascade fut aussi aménagée, avec un ruisseau en provenance directe du bassin de la Villette.

 J'ignore ce que sont ces essences, mais la floraison généreuse est spectaculaire.

 La fausse grotte fut aménagée dans une des galeries de la carrière. La "grande cascade" s'y jette.

 Il m'a fallu ce contre-jour pour que les fausses stalactites apparaissent un peu sur la photo.

 Le fameux Pont des Suicidés. Je ne sais toujours pas si ce fut réellement un lieu de suicides ou s'il ne s'agit que d'une légende littéraire.

Je tente le noir et blanc pour mettre en valeur la silhouette du temple.

 En cette période d'Omer, après la fête de Pessah, la population juive semble se retrouver. Je croise beaucoup de familles dont les hommes portent la kippa.

 La mairie du XIXe arrondissement fut aussi commandée à Davioud. Puisqu'il était dans le quartier…

J'arrive enfin à la Villette, lieu d'expérimentation architecturale à Paris depuis quelques années.

Cette sculpture métallique rouge, c'est la billetterie.

 Entre la Halle de la Villette et la Cité de la Musique s'étale le dernier bâtiment en date, la Philharmonie.

 Dans le cadre du Festival 100 %, on a demandé au New Yorkais Will Ryman de placer ses sculptures jaunes sur la place. Le titre de chacune est une réplique de En attendant Godot.

Au centre jaillit la Fontaine aux Lions de Nubie.

La Cité de la Musique

 Cette réalisation de Christian de Portzamparc a déjà une vingtaine d'années. Outre une très agréable salle de concerts (où j'ai vu de bien belles soirées), elle abrite aussi un chouette musée de la musique.

La Philharmonie

 C'est la petite dernière, un grand vaisseau de Jean Nouvel destiné à héberger des orchestres en résidence et à proposer une foule de concerts.

Son architecture, avec une multitude de plans unifiés par un même décor, me plaît beaucoup.

Même les couloirs montrent de l'originalité avec ces suspensions irrégulières.

Ma prochaine étape, c'est le concert de ce soir...