Vienne : Niko Pirosmani, un peintre géorgien, à l'Albertina

Je dois avouer que je n'ai jamais entendu parler de ce Niko Pirosmani, un peintre géorgien qu'admirait Picasso et dont il fit le portrait. Pour voir ses toiles, il faut apparemment se rendre  Tbilissi, tout provient de là.

Né en 1862 dans une famille pauvre de fermiers, il perdit ses parents à l'âge de huit ans. Il fut adopté par un couple bourgeois chez qui il apprit à lire et à écrire, mais aussi à dessiner. Il trouva un travail dans une compagnie de chemins de fer caucasiens et commença à faire les portraits des employés, étant rétribué par des repas chauds.

Le peintre russe Le Dentu, en voyage, tomba par hasard sur un de ses tableaux dans une taverne et l'acheta. De retour à Moscou, il en parla à ses amis Larionov et Gontcharova qui inclurent plusieurs de ses toiles dans une exposition commune. Cependant, en Géorgie, sa peinture peu académique lui valut d'être partout refusé et il vivait dans une grande pauvreté quand la guerre éclata, et la révolution russe lui fut fatale. Il mourut en 1918 et on ne sait même pas où se trouve sa tombe.

J'ignore totalement comment Picasso entendit parler de lui.

Niko Pirosmani, Ourse avec ses petits

 Un des principaux sujets visibles ici sont des animaux cadrés de près, qui touchent quasiment les bords de la toile. La palette, avec un fort contraste, montre une nette prédominance du noir.

Niko Pirosmani, L'actrice Margarita

Les personnages rappellent beaucoup ceux du Douanier Rousseau, avec une incontestable naïveté dans la représentation.

Niko Pirosmani, Girafe

Les animaux, d'ailleurs, ont aussi peu d'exactitude scientifiques que les lions du douanier.

Niko Pirosmani, Le Chamelier tartare

Une huile sur des morceaux de carton assemblés. Le matériel semble avoir été un réel problème pour cet artiste miséreux.

Niko Pirosmani, Marchande de fruits tartare

 Toujours sur carton. Curieuse composition figée, mais l'insistance sur les classes sociales rappelle la biographie de l'artiste.

Niko Pirosmani, Cerf

Niko Pirosmani, Des millionnaires sans enfants et une famille pauvre

Peinture sur toile cirée. Un sujet à forte connotation sociale, qui faisait peut-être écho à la propre histoire du peintre, une fois encore.

Niko Pirosmani, Deux domestiques

Une nourrice en pleine action et un homme à tout faire, avec tablier, uniforme et casquette. Le sujet tient toute la toile, comme dans les représentations d'animaux.

Niko Pirosmani, Fleuve Tungus Yemut

Je n'ai pas saisi le rapport avec le titre. Pas de fleuve (à moins qu'il soit gelé ?) mais évidemment une scène de chasse, avec un homme bizarrement accoutré qui chevauche un cerf. Peut-être un conte fameux. Quelques explications n'auraient pas été superflues.

Niko Pirosmani, Renard

Très efficace contraste avec un format plutôt rare.

Niko Pirosmani, Chirurgien sur son âne

Pirosmani documente aussi une Géorgie rurale, finalement méconnue chez nous.

Niko Pirosmani, La guerre russo-japonaise

Un sujet apparemment bien rare dans son œuvre. La composition en plans se retrouve dans plusieurs de ses vues d'ensemble.

Niko Pirosmani, Fête d'anniversaire près du fleuve Zcheniszqali

Encore une Géorgie rurale montrée lors d'une étrange cérémonie. Mais de qui fête-t-on l'anniversaire ?

Niko Pirosmani, Pont avec un âne

Décidément ce peintre choisissait des scènes peu banales !

 Vraiment beaucoup de naïveté dans le style, mais une palette très audacieuse et un assemblage de détails croquignolets. Un ours attaché se dresse, un aubergiste vend des bouteilles qu'on retrouve aussitôt sur les tables, deux barques sont transformées en tables de banquet, des musiciens donnent l'aubade aux autres convives sous la tonnelle. Et le titre ne retient que le pont où passe un âne bâté !

Une photo de la même époque pour renseigner sur les musiciens (en haut à droite dans la peinture de Pirosmani).

Niko Pirosmani, Le grand Marani dans la forêt

Mais qu'est-ce que cette histoire de Marani ? Serait-ce le nom de cette énorme outre ? Est-ce réel ou s'agit-il d'un conte ou d'une vision symbolique ? Je sèche.

PS. Grâce à l'efficience d'un lecteur, j'apprends que le Marani est le nom d'un vin géorgien. La scène est dédiée à la production viticole, avec ses vendanges (à bas à droite), le propriétaire qui surveille les travaux (à gauche), l'amphore où on stocke le vin, et la maison du pressoir, à l'arrière.

Niko Pirosmani, Nuit sur la colline de l'Arsenal

J'ai l'impression d'une gravure sur bois, contrecollée sur une peinture. Ce peintre a vraiment un choix de couleurs très originales. Je comprends que Picasso ait été intéressé.

Le peintre fait fi des proportions, mais indique avec beaucoup de netteté le plaisir de se réchauffer dans un hiver glacial.

Niko Pirosmani, Le sol de grains

Apparemment une scène rurale où on emploie les bœufs pour séparer le grain. La cabane ressemble à une isba sibérienne alors qu'on voit une tente caucasienne (j'en ai photographié de semblables en Arménie et en Iran).

Niko Pirosmani, L'enfant vendeur de bois de cheminée

Avec deux coups de pinceau, le rendu des branches est bluffant. Le vert-jaune semble une des couleurs de prédilection du peintre.

Bref, une découverte d'un peintre singulier, et c'est le mérite de cette exposition. Je trouve cependant qu'on aurait bien profité de davantage d'explications !