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dimanche 4 juin 2017

Paris : Joyaux Al Thani, Eugène Onéguine à l'Opéra Bastille

De Léon Blum à Nation

Puisque je loge dans le quartier, autant en profiter pour me promener jusqu'à la place de la Nation. Voilà plus de quinze ans que je n'y ai pas mis les pieds, ça remonte à l'époque où j'explorais méthodiquement, un par un, les arrondissements de la capitale.



Je débouche de la rue Sedaine sur le boulevard Voltaire. Je le remonte, puis m'en écarte jusqu'au Gymnase Japy tout proche.


Cet ancien marché couvert fut métamorphosé en gymnase au XIXe siècle. Jaurès y tint une fameuse réunion, origine de la création du Parti Socialiste.


Une plaque rappelle qu'en 1941, c'est là que furent parqués les Juifs arrêtés lors de la rafle du Vel d'Hiv, avant leur départ pour les camps de la mort.


La rue Dumas est ornée d'un buste du prolifique auteur, au-dessus du café du même nom. J'essaie de retrouver une rue fleurie de village qui m'avait jadis beaucoup plu, mais sans succès. A-t-elle disparu ou ma mémoire topographique est-elle prise en défaut ?

A vrai dire, la balade est plaisante, mais le quartier n'offre pas tant au visiteur.

La place de la Nation

Je gagne rapidement la place de la Nation.

Ce coin n'était qu'une cambrousse quand on y installa un trône pour saluer l'entrée dans Paris de Louis XIV et de Marie-Thérèse, de retour de leur mariage à Saint-Jean-de-Luz. Ce fut donc la Place du Trône.

On envisagea ensuite d'y édifier un arc de triomphe, qui ne fut jamais réalisé. Suite aux bouleversements de l'histoire, la place devint celle "du Trône Renversé". A la Révolution, c'est là qu'on dressa la guillotine (parfait enchaînement avec ma visite de la Conciergerie d'hier !) et presque quatre mille condamnés y furent exécutés. Le poète André Chénier fut l'un d'entre eux.


Plusieurs projets d'arcs de triomphe furent commandés à diverses époques, dont un à Le Brun, un à Baltard deux siècles plus tard, mais aucun ne vit le jour. Finalement, on opta pour un groupe monumental en bronze, et c'est Jules Dalou qui s'en chargea. Ses lions rugissants sont fort réussis, et l'ensemble a beaucoup de vie et de mouvement.



Quelques détails croustillants comme cette jeune fille à l'arrière qui semble exhiber ses fesses !
Autrefois des alligators en bronze pataugeaient dans le bassin qui entoure la sculpture. Pétain les fit retirer et fondre afin d'offrir du métal à l'occupant allemand.

Là se trouvait la barrière de l'octroi, dont il ne reste plus guère que les deux bâtiments carrés. Celui-ci devint la maison des ouvriers de l'ameublement, la grande spécialité du quartier autrefois.


Claude-Nicolas Ledoux, architecte classique (à qui on doit notamment les salines d'Arc et Senans) érigea ces deux colonnes. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'on ajouta les statues de Saint Louis et de Philippe-Auguste. Etrange retournement de situation pour cette place révolutionnaire ! Aujourd'hui, c'est là que commence l'avenue... du Trône, réputée pour une foire de longue mémoire.
Pas de foire aujourd'hui mais un marché avec de beaux étals.




Assez rare sur les marchés, un producteur d'escargots (cuisinés cependant).



Je fais un tour dans le quartier. Le square Courteline avec sa roseraie et son kiosque rend hommage à cet auteur de théâtre à l'humour caustique. Derrière, c'est Pique-Puce, transformé ultérieurement en Picpus.


Quelques coins ont gardé une allure de village... Non, ce n'est pas la rue que je cherchais.


Les conduits tracent une sculpture à la Buren.


Déjeuner au Bao Wong


Le quartier semble ne proposer que des restaurants vietnamiens. Je déniche un thaï (pour changer un peu), le Bao Wong. Pour 16 €, soupe poulet-coco, bœuf au basilic, beignets, tout cela est délicieux.





Je ne veux pas perdre trop de temps à traverser Paris, surtout que la ligne 9 de la RATP est directe depuis Nation. C'est donc parti pour un voyage en métro.

Exposition Joyaux de la collection al-Thani au Grand Palais


J'aurai profité jusqu'au bout de ma carte Sesam, et voici donc la dernière exposition de la saison que je verrai. Je ne suis pas certain que je l'aurai visitée sans cette carte, j'ai pu apercevoir déjà des collections de bijoux prestigieuses à Istanbul, à Téhéran ou en Inde.
Puisque je suis à Paris, autant ne pas rater l'occasion. Cette collection Al-Thani rassemble de magnifiques exemples de joaillerie indienne, et de fameux  diamants (l'Ascot II, l'Agra, le Miroir du Paradis ou l'Etoile de Golconde). Les somptueuses réalisations commandées à la maison Cartier, comme l'OEil du tigre, complètent l'ensemble.
La scénographie est particulièrement spectaculaire, avec une vaste salle sombre d'où descendent des fils supportant des feuilles dorées.
Les photos étant interdites, toutes celles-ci proviennent de la toile.













Lorsqu'on me parle de joaillerie indienne, c'est tout de suite à cela que je pense : un mélange de rouge (les rubis) et de vert (les émeraudes).



Lorsqu'on cherche l'étymologie du mot baroque, on découvre qu'il s'agit d'un mot d'origine italienne désignant une perle irrégulière, pas du tout sphérique. En voilà précisément une, dont la forme boursouflée a donné l'idée de la transformer en buste.



Contrairement à la tradition européenne, où les pierres sont taillées à facettes pour s'approcher de modèles existants, les Indiens préfèrent conserver au maximum la forme des gemmes, et souvent se contenter de les polir.





La forme caractéristique permet de reconnaître une bague d'archer. En or, diamants et rubis, elle n'était évidemment pas destinée à un tireur de flèches !




Retour à pied, cette fois, par les Grands Boulevards bondés. J'ai largement le temps de boire un café, de récupérer mes affaires à l'hôtel, et de repartir vers l'Opéra Bastille.


Evgeny Oniegin (Eugène Oneguine) à l'Opéra Bastille

Retour d'une production à succès

C'est le retour d'un de mes opéras favoris (vu l'an dernier au Mariinsky) dans une mise en scène que j'ai beaucoup vue et qui m'a toujours beaucoup plu, avec sa grande sobriété de décors et sa grande attention à la direction d'acteurs.
L'idée de placer les femmes sur scène avant le duel m'a toujours paru fort pertinente, et le décor presque unique permet un filage sans temps mort. Évidemment, du coup, plus de lit pour Tatiana...

Un plateau d'anciens et de jeunes chanteurs 

Edward Gardner, excellent chef anglais, a toujours le souci de faire entendre le contrepoint, et il obtient une remarquable transparence de l'orchestre. Et c'est un vrai chef de fosse, qui varie les climats, montre le drame. Il est pour beaucoup dans la  réussite de la représentation. 


Depuis ses débuts à Aix dans les années 80, j'ai souvent entendu Raúl Giménez. Il n'a plus le même soyeux de la voix, mais ses moyens demeurent exceptionnels. De vrais forti, des piani impalpables... On n'entend jamais les couplets de Monsieur Triquet aussi finement ciselés. Et je suis ravi de retrouver ce grand monsieur, avec qui nous échangeons des souvenirs pendant vingt minutes à la sortie.


Hanna Schwarz, que j'avais retrouvée avec grand plaisir dans Jenufa à New York est une autre cantatrice légendaire. Personne n'a oublié sa Fricka du Ring de Chéreau. Sa voix demeure d'une étonnante qualité, et elle campe une Filipievna d'anthologie. 


Elena Zaremba, encore une chanteuse à la belle carrière (et jadis une magnifique Olga), est une Madame Larina de même envergure, ce qui nous gratifie d'une superbe scène des confitures (sans confiture ici). 

Varduhi Abrahamyan réussit également son Olga frémissante, et sa riche voix enchante toujours mes oreilles. 


Alexander Tsymbalyuk est un remarquable Grémine, voix de bronze, diction impeccable (ce n'est pas toujours le cas des interprètes du rôle) et un legato de rêve. Je préfère les Grémine plus âgés, mais je ne boude pas mon plaisir face à une telle qualité.




C'est avec Pavel Černoch que j'aurai ma petite déception de la soirée. C'est un chanteur probe et un musicien scrupuleux, mais la pratique de rôles plus lourds (Don José !) a élargi la voix. Dans  Lenski ma préférence va aux voix plus mozartiennes, voire belcantistes. Dmitry Korchak, que j'ai entendu à Vienne avec Netrebko et Hvorostovsky, était idéal.
Nicole Car succède précisément à Anna Netrebko qui a assuré la plupart des Tatiana de mai (pour la dernière, elle a été remplacée par une pensionnaire du Mariinsky, Elena Stikhina, qui a fait un tabac, paraît-il). J'ai découvert cette talentueuse Australienne à Londres, où elle interprétait une très sensible Micaëla, et son excellente Tatiana est de la même eau. Beaucoup de fraîcheur, une interprétation frémissante et sensible. Elle est bouleversante de dignité et de douleur contenue. Quelle surprise, quand je l'attends à la sortie, de la voir accompagnée d'Étienne Dupuis, un baryton québécois que je connais très bien ! J'ignorais qu'ils étaient en couple. Ils me présentent même leur bébé Noah. Nous nous quittons avec force bises... 

Vadim Artamonov et Raul Gimenez

Peter Mattei, Pavel Cernoch

Pavel Cernoch

Elena Zaremba

Alexander Tsymbalyuk

Peter Mattei

Nicole Car et Etienne Dupuis. Noah dort dans la poussette !
Peter Mattei avait déjà chanté Onéguine à Aix, il y a une vingtaine d'années. Les aigus ne sont plus aussi faciles, mais il n'a rien perdu de sa merveilleuse voix veloutée et son personnage n'a cessé de s'enrichir depuis. Ce personnage de dandy torturé lui va comme un gant, et il réalise une performance de haut vol.

Mon prochain Onéguine est dans un mois, avec la venue du Bolchoi au Festival d'Aix. Le miracle de ce soir sera-t-il renouvelé ? 

4 commentaires:

  1. Greaaaaaaaaat post again! Thanks for the history lesson.
    Annie

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  2. Ton blog me fait toujours un grand plaisir. Les yeux sont ravis et tout ce que j'apprends m'enchante. Félicitations.
    RosB.

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  3. Ton blog est de mieux en mieux. On a droit à plus d'informations, sans que ce soit indigeste. J'ai horreur de ceux qui se contentent de raconter leur journée, sans rien nous apprendre.
    Continue !
    Isa

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    1. Je découvre, longtemps après, ne pas t'avoir remerciée pour ce gentil commentaire. Toutes mes excuses !

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